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SAINT-HYACINTHE – Alors que l’analyste et stratège de marché Simon Brière prévoyait une récession imminente, considérant l’inflation et les taux d’intérêt élevés, dans sa conférence économique prononcée le 16 janvier, soit la veille de l’ouverture du Salon de l’agriculture de Saint-Hyacinthe, plusieurs commerçants que La Terre a sondés à l’événement par la suite ont pourtant assuré que les affaires allaient bon train.
Pour Jocelyn Leduc, copropriétaire de Silos bleus du Québec, les ventes n’ont pas ralenti. Au contraire, les clients sont acheteurs, même si les prix ont augmenté. L’entreprise pourrait même vendre plus de silos, mais manque de main-d’oeuvre pour les installer, indiquent M. Leduc et son partenaire d’affaires, rencontrés à la première journée du Salon de l’agriculture de Saint-Hyacinthe, le 17 janvier.
Du côté des détaillants d’équipement acéricole, Steve Vachon, de DSD Stars, assure que les producteurs sont en mode croissance. « On ne voit pas de répercussions de la récession; les carnets de commandes sont bien pleins, la production [d’équipement] maintient sa pleine cadence. » Même son de cloche chez L.S. Bilodeau. « Les producteurs ont des projets. Ils poursuivent leurs projets et leurs rêves », ajoute Sébastien Boissonneault, représentant des ventes.
« La récession apparente dont ils parlent, je ne la ressens pas encore », commente pour sa part Patrick Audette, président d’Industrie Aulari, qui fabrique des applicateurs d’engrais. « On a même plus de facilité à vendre cette année. Les clients prennent plus d’options, plus de technologies. Certains disent : “Avant, je ne pouvais pas me le permettre, mais maintenant je peux”. »
Ce portait correspond à ce qu’anticipe Anne Leblanc, directrice de comptes agricoles à la Banque Nationale. Celle-ci explique que l’institution financière pour laquelle elle travaille a fait subir un stress-test au portefeuille des producteurs agricoles pour évaluer leur résistance à la récession annoncée.
« On croit qu’ils sont assez solides. Avec la pandémie, plusieurs ont réussi à avoir plus de liquidités. C’est sûr qu’ils feront moins de projets que d’habitude, mais ils iront vers des projets plus structurants pour leur entreprise. Ce qui joue aussi en leur faveur, c’est que le revenu et les recettes agricoles sont en croissance », ajoute-t-elle.
Ghyslain Gagné, président du magasin Agri- Robotique, de Saint-Jean-sur-Richelieu, estime d’ailleurs que les ventes de robots de traite vont bon train pour lui et que ça se poursuivra, dans un contexte de pénurie de main-d’oeuvre où ce genre de technologies devient de plus en plus incontournable. « C’est ça, l’avenir. En 2022, ç’a été une bonne année pour nous et ça s’enligne aussi pour être bon en 2023. Il y a déjà six étables neuves en construction en Montérégie qui vont venir nous voir. »
Marco Nadeau, directeur des ventes chez Teamco, qui fabrique et distribue de l’équipement pour l’épandage de fumier au Québec, en Ontario et aux États-Unis, fait aussi partie de ceux qui maintiennent leurs ventes, mais se fait plus nuancé que ses confrères, remarquant que le budget de sa clientèle est plus restreint qu’auparavant. Il indique par ailleurs que les prix de ses produits ont augmenté en moyenne de 30 %, résultant de la hausse des coûts de fabrication. Malgré tout, la diversification de son offre lui permet de s’en sortir. « Les agriculteurs ont toujours besoin de machineries; c’est juste que là, c’est moins [que d’habitude]. Si on a plus de gammes de produits, on a plus de chances de vendre. »
Quelques ralentissements
Sylvain Daigneault, directeur des ventes chez Dairy Lane System, un distributeur de barrières et de stalles pour les stabulations libres dans l’Est du Canada, admet de son côté que les dernières années ont été « très ordinaires ». Ses ventes ont d’abord fléchi avec la pandémie, puis avec la hausse du prix des matériaux, qui a poussé des producteurs à annuler ou à remettre à plus tard de projets de rénovation. « Je dirais que ça doit être 50 % de moins que ce que c’était dans les bonnes années, en 2017-2018-2019. Dans ces années-là, c’était vraiment excellent. Quand la pandémie a commencé, ça a droppé », observe celui qui, dans le contexte, affirme s’en sortir malgré tout.
Il espère un regain en 2023. « Le Salon, justement, c’est un peu le son de cloche de quoi aura l’air l’année. Les producteurs, des fois, arrivent [au kiosque] avec leurs projets et leurs plans en dessous du bras. On verra », a-t-il expliqué à La Terre, qui l’a rencontré en matinée, le 17 janvier, alors que le Salon venait d’ouvrir ses portes au public.
Chez William Houde, la représentante Marlène Van Dersmissen-Rémy remarque un petit changement de comportement quant aux achats d’engrais. Certains producteurs s’inquiétant d’une baisse de prix du grain vont ainsi opter pour des doses qui couvriront les besoins de base de la culture, sans prendre le risque d’investir davantage pour aller chercher plus de rendement. Par contre, elle affirme qu’il y a toujours un groupe de producteurs qui prennent des moyens pour viser le rendement maximum afin de profiter des prix élevés.
Des coûts moins élevés qu’au plus fort de la pandémie Le prix de plusieurs matériaux de construction, comme l’acier ou le bois, s’est stabilisé dernièrement ou est même redescendu, rapporte Richard Deslandes, président de Constructions agricoles Deslandes, à Saint-Liboire, en Montérégie. Pour cette raison, construire un poulailler de grandeur moyenne coûte environ 25 % moins cher que pendant la COVID, estime-t-il. La directrice générale de l’entreprise, Marianne Deslandes, dit d’ailleurs que leur carnet de projets est bien rempli pour la prochaine année. « On a beaucoup de jobs », lance-t-elle en précisant que les propriétaires de petites ou moyennes entreprises agricoles sont toutefois plus nombreux qu’avant à revoir les plans pour faire baisser la facture, alors que d’autres retardent le début des travaux en raison des taux d’intérêt élevés. « Mais la plupart n’ont pas le choix de réaliser leurs projets, par exemple les érablières qui ont des quotas à respecter », illustre-t-elle. |