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Deux entrepreneurs comptent bien profiter de la popularité grandissante des imitations de cuir à base de végétaux pour devenir le premier producteur du genre au Québec. Le principal ingrédient de leur textile? Le marc de pomme résultant de la fabrication du cidre et du jus.
« Nous sommes à une époque où les déchets ont encore peu de valeur, mais à mesure que des innovations vont émerger, cette situation pourrait bientôt changer », prédit Fannie Laroche.
Avec le chimiste Grégory Hersant, l’entrepreneuse a fondé en 2020 Flaura, une entreprise qui souhaite fabriquer du cuir végétal. Présenté comme une solution de rechange écologique au cuir conventionnel, ce type de matériau a le vent dans les voiles. Selon une étude de la firme Infinium, son marché connaît une croissance annuelle de 49,9 % et devrait atteindre 89,6 milliards de dollars américains en 2025. Tant en Europe qu’en Asie, différents fabricants utilisent désormais des champignons, des ananas, du liège et même des cactus pour offrir de nouveaux matériaux à l’industrie des chaussures et des vêtements, de même que pour la construction de meubles et de l’intérieur des voitures.
Cette styliste de mode a commencé à s’intéresser aux fibres végétales il y a quelques années au moment d’adopter une alimentation végétalienne. « Par souci de cohérence, j’ai arrêté d’acheter des produits de cuir et de fourrure et j’ai développé un œil plus critique sur l’industrie de la mode, qui est très polluante », raconte-t-elle. De fil en aiguille, elle a regarni sa garde-robe et celle de ses clients avec des choix plus écologiques. Au cours de ses recherches, elle a découvert l’existence au Danemark d’un producteur de cuir à base de pommes. C’est lorsqu’elle a pu toucher aux échantillons qu’elle a eu le déclic. « Je vis en Montérégie, où il y a plein de vergers. Je ne pouvais pas imaginer qu’il n’existait pas une initiative semblable. Je n’ai rien trouvé. Pourtant, il y a une demande pour ce type de matériau puisque des créateurs montréalais utilisent déjà du cuir végétal, mais importé d’Europe. »
Considérant les longs délais de transport et l’importance de la pomiculture dans sa région, Fannie Laroche a compris qu’elle tenait un filon à exploiter. Elle s’est associée avec le chimiste Grégory Hersant, qui a un fort intérêt pour la valorisation des résidus d’origine végétale, pour développer une recette 100 % organique. « Il faut savoir qu’il existe aujourd’hui une panoplie de cuirs végétaux sur le marché, mais plusieurs contiennent des résidus de plastique. À mon sens, on répond à un problème par un autre. Grégory a donc travaillé à élaborer une recette dont tous les intrants proviennent de source végétale. »
Une transformation à plusieurs étapes
L’entreprise Flaura a conclu une entente avec les vergers Denis Charbonneau de Mont-Saint-Grégoire et Paul Jodoin de Rougemont pour collecter les résidus de pomme après la transformation de jus et de cidre. Elle récupère la pelure, les pépins et le marc qui sont broyés et pasteurisés. Après quoi, cette purée est séchée et réduite en poudre, ce qui donne de meilleurs résultats et en facilite le transport.
La poudre est ensuite mélangée avec différents polymères végétaux avant d’être appliquée et cuite sur de grandes plaques. On peut lui donner l’épaisseur et la texture qu’on souhaite.
Résultat : un matériau résistant et durable au subtil arôme de pomme dont la texture et l’aspect ressemblent à s’y méprendre au véritable cuir. Il vient aussi avec un avantage puisqu’il est résistant à l’eau. Par ailleurs, il est biodégradable après plusieurs décennies dans certaines conditions. « On part de la terre et on revient à la terre de façon à ce que notre produit ne soit jamais un déchet », commente Fannie Laroche.
Percer le marché de la mode
L’entrepreneuse aspire à ce que Flaura devienne dans un premier temps producteur et fournisseur pour desservir les marchés de la mode et du design d’intérieur. « Notre but est de le placer au même niveau que le cuir haut de gamme. On peut en faire des sacs à main, des chaussures, des jupes, des coussins, etc. Les possibilités sont multiples. »
À terme, la PME désirerait produire d’autres cuirs végétaux à partir de différentes matières résiduelles comme les champignons, les canneberges ou le marc de café et ainsi s’attaquer au gaspillage alimentaire.
Actuellement en période de financement, l’entreprise travaille avec l’incubateur 2degrés de Québec et le Groupe CTT à Saint-Hyacinthe pour peaufiner sa formule et la produire à grande échelle. « On pense pouvoir attaquer le marché au printemps 2023 avec des prix comparables à ceux d’un cuir animal de bonne qualité. »