Vie rurale 28 décembre 2022

Rencontre avec un amant du terroir agricole et musical

Ancien professeur et véritable mémoire de l’agriculture biologique au Québec, Ghislain Jutras entretient également une passion pour le câll de veillées traditionnelles. À l’approche du temps des Fêtes, il a été invité au micro de l’animateur Vincent Cauchy du balado Le son de la Terre pour discuter de ses multiples projets, dont le récent Wiki maraîcher, qu’il vient de lancer avec des collaborateurs.

Q  Comment ce projet collectif a-t-il commencé?

R  C’est une idée que j’ai attrapée au vol et que j’ai relancée à des gens autour de moi qui ont répondu favorablement. Cette idée-là du Wiki maraîcher est née dans le creuset de mes réflexions de L’Odyssée Bio. Finalement, c’est rendu à un autre niveau où ça me dépasse de beaucoup, parce que jusqu’à maintenant, il y a une trentaine de personnes qui se sont impliquées pour faire naître cette encyclopédie-là, qui est maintenant en ligne.

Q  Quels sont les objectifs poursuivis?

R  Il y a des gens qui prennent des décisions dans des fermes et ont besoin d’avoir accès rapidement à de l’information. Ça peut être aussi des conseillers, des chercheurs, etc. Le Wiki maraîcher vise à répondre à ce besoin-là, mais en même temps qu’on documente et qu’on archive, on se crée une mémoire : une mémoire des aspects techniques, mais aussi de nos valeurs, de l’esprit qui règne, de la culture qu’on a bâtie, d’échange et de solidarité, qu’il ne faut pas prendre pour acquise, selon moi.

Q  Ghislain, vous êtes également câlleur de veillée traditionnelle. Qu’est-ce que c’est exactement?

R  Un câlleur, c’est la personne qui techniquement se trouve entre les musiciens et la gang qui danse. C’est un genre de trait d’union. C’est la personne qui craque l’allumette en annonçant les danses et les figures, et les musiciens sont ceux qui envoient de l’oxygène là-dessus. Et ça brûle dans la salle; c’est endiablé!

Q  Est-ce qu’il y a un cadre rigide ou il y a place à l’improvisation ?

R  C’est un entre-deux. Les danses, je ne les invente pas. Il y en a environ une centaine au Québec, dont certaines spécifiques à des régions. Le câlleur va annoncer les figures dans l’ordre où elles sont définies pour représenter une danse précise. Mais au-delà d’annoncer les figures dans le bon temps, il faut aussi mettre du remplissage et du dynamisme.

Q  Combien êtes-vous au Québec?

R  Selon le plus récent dénombrement, nous serions une bonne ­trentaine, dont la majorité a plus de 55 ans. Le reste a entre 35 et 55 ans, mais nous n’avons presque personne en bas de cet âge-là. Avec l’organisme Danse traditionnelle Québec, on se penche sur l’enjeu de la relève dans les câlleurs.

Q  Aimeriez-vous que la musique traditionnelle finisse par transcender le temps des Fêtes?

R  Je me souviens d’avoir vécu presque un an en République dominicaine. Le matin, le midi et le soir, c’était toujours merengue et bachata. En Afrique, c’est un peu la même chose. Les danses, c’est dans le quotidien. Ce n’est pas réservé à des moments fixes de l’année. Au Québec, c’était comme ça, avant. On ne dansait pas juste entre Noël et le jour de l’An. Les traditions sont toujours vivantes, mais la proportion de gens qui connaissent et pratiquent les danses est relativement faible. Pourtant, ça amène tellement de plaisir qu’on ne devrait pas que s’en tenir à la période des Fêtes. Et sur les planchers de danse, on a beaucoup de jeunes entre 20 et 35 ans qui sont présents, alors il y a une certaine relève de ce côté-là.

Écoutez l’entrevue complète au laterre.ca/balado pour en apprendre plus sur les projets de Ghislain Jutras et même entendre une performance de câlleur.