Ma famille agricole 18 décembre 2022

Toujours plus gros

Lorsqu’il se lance dans la production ovine, en 1979, Marie-Antoine Roy ne se doute pas qu’une crise économique majeure l’attend, à peine deux années plus tard. Il ne se doute pas non plus qu’il devra affronter des taux d’emprunt stratosphériques de 28 % pour financer le développement de son entreprise. Quarante-trois ans plus tard, non seulement la ferme est toujours là, mais elle semble plus en santé que jamais.

Fiche technique 

Nom de la ferme :
Les Bergeries Malvibois
et Newport

Spécialité :
Production ovine

Année de fondation :
1979

Nombre de générations :
2

Noms des propriétaires :
Marie-Antoine et Marc-Antoine Roy

Superficie en culture :
1 215 hectares

Cheptel :
2 500 brebis hybride FI Romanov-Dorset et 4 500 agneaux

« En 1981-1982, c’est la seule année où on n’a pas coulé de béton, où on n’a pas fait de construction », souligne le producteur ovin Marie-Antoine Roy. L’inflation avoisine alors 12 %, et les taux d’intérêt exigés par les banques atteignent des sommets presque inimaginables aujourd’hui. « On est passé proche de faire faillite », admet le fondateur des Bergeries Malvibois et Newport, de Sawyerville en Estrie. L’achat, à un prix relativement avantageux, d’une terre de 223 hectares, abandonnée trois ans plus tôt, explique en partie le fait que le producteur et sa conjointe, Diane Duranleau, ont survécu à la crise.

Marie-Antoine Roy provient d’une famille d’agriculteurs, et sa vocation ne fait manifestement aucun doute. Les planètes se sont bien alignées pour celui dont les souvenirs d’enfance prennent la forme de moutons. En effet, à l’époque du premier gouvernement du Parti Québécois, le ministre de l’Agriculture, Jean Garon, a mis en place un programme pour inciter les producteurs à se lancer dans la production ovine, encore méconnue au Québec. C’est ainsi que l’éleveur et sa conjointe ont pris la décision de sauter dans le train.

La marche vers la rentabilité

Il faudra quelques années avant que l’entreprise atteigne la rentabilité. « Dans les premières années, on avait 400 à 500 brebis », raconte M. Roy. Il sait, à l’époque, que ça ne suffit pas, qu’il en faut beaucoup plus. « Ça prend un volume de brebis pour réussir dans notre production », soutient l’entrepreneur. « Quand on a atteint 800 à 900 brebis, on dirait que là, l’entreprise peut se développer », raconte-t-il.

Plus de brebis exige bien sûr plus ­d’espace pour les loger. « C’est nous qui avons toujours construit nos bâtiments », souligne l’agriculteur, dont les terres fournissent le bois. « Il faut dire qu’on n’avait pas le choix. On n’avait pas d’argent! » admet-il, un sourire dans la voix.

L’initiative profite puisque l’espace additionnel permet de poursuivre la croissance du troupeau, qui génère de plus en plus de revenus. L’entreprise prend alors son envol. De nouvelles terres sont achetées à mesure que les bâtiments s’ajoutent et la technologie fait son entrée. « On a installé notre premier robot d’alimentation en 1994, explique le producteur. Ça, ç’a véritablement révolutionné la ferme. Ça nous a permis d’être plus efficaces. »

Place à la relève

Marie-Antoine Roy et Diane Duranleau sont particulièrement fiers de l’affiche de leur ferme réalisée par leur petite fille Élianne. Photo : Gracieuseté de Karine Fortier
Marie-Antoine Roy et Diane Duranleau sont particulièrement fiers de l’affiche de leur ferme réalisée par leur petite fille Élianne. Photo : Gracieuseté de Karine Fortier

L’expansion de l’entreprise, qui dépasse maintenant 1 200 hectares, ne s’arrêtera pas par la suite. L’arrivée du fils de Marie-Antoine, Marc-Antoine, en 2000, apporte du sang neuf.

Son implication ne se fait cependant pas sans quelques hésitations. « J’étais indécis quant à la reprise de la ferme. J’ai fait mon cours en mécanique agricole. Alors, dans ma tête, je m’en allais comme mécanicien », raconte le producteur de 43 ans. « J’ai travaillé six mois dans un garage, enfermé, et le dehors me manquait. La diversité des travaux me manquait », se souvient-il.

Pendant que Marc-Antoine hésite, son entrepreneur de père continue d’améliorer la ferme. « En 1999, mon père avait le projet de transformer les bergeries pour les mettre sur les lattes, pour le confort des animaux et avoir le moins d’ouvrage possible », explique Marc-Antoine. Le travail à la ferme devient ainsi plus attrayant et le producteur finit de se laisser convaincre de prendre la relève.

Le fils ne se lance toutefois pas seul dans l’aventure. Sa conjointe, Karine Fortier, installe la bergerie du Maple Leaf sur la terre juste à côté de celle des Roy.

C’est elle qui s’assure de renouveler le troupeau de 2 500 têtes hybrides F1 de la Ferme Malvibois et Newport à partir de purs-sangs de races Romanov et Dorset. Même si Maple Leaf possède sa propre identité juridique, elle fait partie de la grande famille Malvibois, insiste Marie-Antoine.

Bien que le couple Roy-Fortier soit encore dans la force de l’âge, une relève se profile à l’horizon. La plus vieille de leurs quatre filles, Élianne, étudie l’agriculture, au cégep, alors que la troisième, Lori, poursuit un programme d’études professionnelles en santé animale.

Les propriétaires estiment que l’agrandissement de leur bergerie, en 2018, a permis de réduire de 8 à 10 % le taux de mortalité des agneaux. Photo : Gracieuseté de Karine Fortier
Les propriétaires estiment que l’agrandissement de leur bergerie, en 2018, a permis de réduire de 8 à 10 % le taux de mortalité des agneaux. Photo : Gracieuseté de Karine Fortier

Des brebis sur lattes

 L’installation des brebis sur des lattes est inspirée de ce qui se fait dans l’élevage de porcs. Photo : Gracieuseté de Karine Fortier
L’installation des brebis sur des lattes est inspirée de ce qui se fait dans l’élevage de porcs. Photo : Gracieuseté de Karine Fortier

L’aménagement des bergeries sur des lattes, comme dans les porcheries, fait partie des stratégies imaginées par les Roy pour gagner en efficacité et réduire la charge de travail. « C’était audacieux, parce que ça n’existait pas dans l’agneau », souligne Marie-Antoine Roy, qui a rapidement constaté des avantages. « C’est sûr qu’on a eu des petits problèmes au début, qu’on a dû corriger, mais avec le temps, quand on regarde ça, on a amélioré l’efficacité du travail. On n’a plus de sabots de brebis à faire parce que les onglons s’usent, et ça facilite énormément le nettoyage », signale le producteur de 69 ans. Comme un bonheur n’arrive jamais seul, les lattes permettent aussi d’économiser en litière. « Les lattes nous permettent d’économiser l’achat de 100 000 $ de paille par année », indique M. Roy, qui dit également observer une baisse du nombre de cas de pneumonie dans le troupeau. 

Les bons coups de l’entreprise

L’installation de deux pouponnières a permis de faire passer la production d’agneaux de 3 300 à 4 500 par année, soit une augmentation de 36 %. Photo : Gracieuseté de Karine Fortier
L’installation de deux pouponnières a permis de faire passer la production d’agneaux de 3 300 à 4 500 par année, soit une augmentation de 36 %. Photo : Gracieuseté de Karine Fortier

Rendre une ferme plus performante passe par une infinité de petites et de grandes décisions. L’agrandissement de 10 500 pieds carrés de la bergerie, en 2018, a par exemple permis de réduire le taux de mortalité des agneaux de 8 à 10 %, estime Marc-Antoine. « L’agrandissement nous a donné de l’espace pour laver et désinfecter plus, parce que les animaux sont maintenant moins entassés », dit-il.

De toutes les améliorations, cependant, l’ajout de deux pouponnières, à partir de 2019, s’est révélé particulièrement judicieux. « Ça nous permet de produire 1 200 agneaux de plus par année », affirme Marc-Antoine, dont la production totale des 2 500 brebis atteint 4 500 agneaux par année.

« Avant, explique-t-il, on laissait les agneaux avec les brebis dans les parcs. Mais si la brebis manquait de lait un peu, les agneaux devenaient plus faibles et on en perdait plus. Maintenant, c’est automatique. On ne laisse jamais plus de deux agneaux par brebis. Les autres vont à la pouponnière. C’est de l’argent qui va directement dans nos poches. » 

***

Claude Fortin, collaboration spéciale

***

Avez-vous une famille à suggérer?

[email protected] / 1 877 679-7809