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En 2022, la Fondation des entreprises en recrutement de main-d’œuvre agricole étrangère (FERME) recense 454 abandons d’emploi de travailleurs étrangers temporaires (TET) dans les fermes, soit 178 de plus qu’en 2021, et l’année n’est pas encore terminée. Le directeur général, Fernando Borja, qualifie la situation de « problème réel », entre autres attribuable au recrutement au noir et aux promesses de meilleurs salaires.
« Ce n’est pas clair où ils vont. On pense qu’il y en a beaucoup qui vont aux États-Unis ou qui restent à Montréal, pour aller vers un autre secteur. On pense qu’il y a peut-être un marché du travail sans permis qui s’est établi. » Il voudrait que le gouvernement fédéral soit plus proactif pour surveiller « les passeurs ».
« On n’a aucune explication et on ne voit aucun résultat », affirme M. Borja.
Michel Pilon, le directeur général du Réseau d’aide aux travailleuses et travailleurs migrants agricoles du Québec, s’inquiète aussi du phénomène, qui prend de l’ampleur. « Il y a un attrait pour aller aux États-Unis. Les travailleurs, souvent, ont de la famille là-bas, avec une maison, sans même avoir besoin d’un permis pour travailler. Le travail au noir y est toléré », fait-il valoir.
Des TET, ajoute-t-il, lui disent aussi vivre des insatisfactions, parfois, dans les fermes du Québec. « Le manque de liberté, ça, je l’entends. […] J’en ai un qui m’a déjà dit avoir eu des mesures disciplinaires parce qu’il avait quitté la ferme pendant son congé de la fin de semaine pour aller à Montréal. »
Un départ qui entraîne la vente du troupeau
La fuite inattendue vers les États-Unis, le 11 août, de son seul travailleur étranger temporaire a été un dur coup à encaisser pour Yvan Bastien, qui était jusque-là producteur laitier à Sainte-Anne-des-Plaines, dans les Laurentides. C’est au lendemain de cet événement qu’il a pris la décision radicale de vendre son troupeau.
« Je n’avais plus la capacité physique de traire les vaches », raconte l’homme de 52 ans, qui siégeait d’ailleurs au comité d’élaboration du Code de pratiques pour le soin et la manipulation des bovins laitiers, dont la révision officielle est attendue en 2023. Il s’est depuis retiré du comité. Celui qui détient un diplôme en agronomie entend éventuellement louer ses bâtiments et sa terre, dont il est toujours propriétaire, à un autre producteur, et se trouver un nouvel emploi.
Outre son travailleur guatémaltèque, une seule autre employée l’épaulait à sa ferme, et cette dernière lui avait déjà fait part de son intention de quitter son poste. « Du jour au lendemain, c’est 50 % de ma main-d’œuvre que j’ai perdue d’un coup quand mon travailleur est parti. […] Ça représentait un niveau de stress trop élevé. Je n’avais pas l’énergie. En plus, je me disais que si je continuais, j’allais toujours avoir l’inquiétude que des travailleurs étrangers me fassent faux bond, encore. »
Deux jours avant de plier bagage en douce, son TET, qui travaillait à la ferme depuis janvier, venait pourtant d’accepter un renouvellement de contrat avec de nouvelles responsabilités. Il était logé dans une maison mobile sur la terre, qu’il partageait avec un travailleur de la ferme voisine. « C’est mon voisin qui est venu me voir pour me dire que les deux étaient partis », raconte M. Bastien, encore stupéfait. Son TET lui avait laissé une note expliquant qu’il avait déserté avec son cousin. Par l’entremise de publications sur les réseaux sociaux et d’échanges de messages avec lui, par la suite, Yvan Bastien et sa conjointe ont compris qu’il était parti aux États-Unis.
Besoins grandissants dans les fermes laitières La pénurie de main-d’œuvre fait en sorte que les producteurs laitiers sont de plus en plus nombreux à se tourner vers les travailleurs étrangers temporaires, remarque FERME. L’agence dénombre, cette année, 608 entreprises laitières qui y ont recours par l’entremise de son service, soit presque autant que les 634 entreprises maraîchères comptabilisées. « En termes de nombre d’entreprises qui embauchent des travailleurs, les entreprises laitières s’enlignent pour rattraper les entreprises maraîchères, peut-être l’année prochaine », fait valoir le directeur général, Fernando Borja. Il précise toutefois que les maraîchers restent de loin les plus importants employeurs de TET en matière de nombre de postes à combler par ferme. « Les producteurs laitiers, eux, vont en embaucher 2-3 par ferme », note-t-il. |