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Un flou persiste concernant l’application du Règlement sur l’encadrement d’activités en fonction de leur impact sur l’environnement (REAFIE), en place depuis le 31 décembre 2020. Ce nouveau règlement, qui ramène le seuil de concentration de particules en suspension dans les eaux rejetées après le lavage de légumes autour de 50 mg de parties par million (ppm) par litre (L), oblige les producteurs à filtrer leurs eaux usées au-delà du seuil de 150 mg et 250 mg de ppm/L, qu’ils estiment plus réaliste.
Les défis du REAFIE
Le président des Producteurs de pommes de terre du Québec, Francis Desrochers, explique les enjeux auxquels font face les producteurs. « Dans ma région, on s’est penchés sur ce que ça représente pour nos entreprises, et personne n’atteint cette cible. Les meilleurs se situent dans les 100-150 mg de ppm/L. C’est pourquoi on fait des représentations pour modifier cette section-là du règlement, qui nous impose les mêmes normes qu’aux grands entrepreneurs industriels et aux municipalités », atteste le producteur, dont la ferme située à Saint-Paul-de-Joliette exploite 1 150 acres (465 hectares) de terre, dont 400 (162 hectares) sont consacrés à la pomme de terre de table.
Au défi de se conformer s’ajoute celui de démystifier des conditions qui varient selon les circonstances. « Il faut tenir compte de deux éléments ici : le seuil de 50 mg de ppm/L, et l’endroit où l’eau est rejetée. Donc, il faut se conformer au 50 mg de ppm/L et une fois ce seuil atteint, il faut aussi s’assurer d’être conforme sur l’emplacement où les eaux de lavage sont rejetées, en raison du niveau de phosphore. Il peut être nécessaire d’obtenir une autorisation ministérielle et chaque cas est différent », témoigne le producteur, qui déplore le manque de prévisibilité de certaines solutions envisagées.
« On nous parle de faire des lagunes. Mais les lagunes ne seront pas efficaces l’hiver lorsque l’eau gèlera. Avant d’investir beaucoup de temps, il faut voir comment ça peut fonctionner et c’est difficile à prévoir, parce que chaque entreprise est particulière. D’abord, il faut faire un diagnostic, puis l’envoyer au ministère, qui doit ensuite l’étudier. Il manque d’intervenants sur le terrain et c’est flou pour tout le monde. »
Vaste chantier d’étude
Un projet d’étude lancé en 2020 par l’Institut de recherche et de développement en agroenvironnement (IRDA) auprès de cinq entreprises maraîchères travaille à évaluer différents scénarios. L’un des objectifs de l’étude est de fournir aux producteurs des outils qui leur permettront d’atteindre leurs cibles en agissant en amont, à toutes les étapes du traitement. « Dans un premier temps, des bilans ont été réalisés chez quelques producteurs types afin de savoir où sont les points chauds et d’identifier les caractéristiques des rejets », explique Stéphane Godbout, Ph. D., chercheur responsable du projet à l’IRDA.
« En fonction des bilans obtenus, on constate que c’est plus rentable d’agir un peu partout sur la chaîne, en faisant des interventions mineures à différents points. Il peut sembler plus simple d’intervenir seulement à la fin, en traitant les eaux usées, mais c’est ce qui coûte le plus cher », reconnaît l’agronome, qui cumule plus de 20 ans d’expérience en génie agroenvironnemental.
« Théoriquement, on doit évaluer les actions à poser pour atteindre la qualité voulue, qui est variable en fonction du milieu récepteur. Présentement, nous sommes à “mimer” des interventions chez quelques producteurs ciblés pour voir si nos actions, basées sur l’analyse théorique, peuvent permettre d’atteindre la cible », précise le chercheur, ajoutant que d’un angle économique, il faut aborder le processus dans son ensemble, comme un système. « Par de petites interventions sur différents maillons de la chaîne, on vise à réduire la taille du système final de traitement de l’eau. C’est une approche qui implique différentes expertises. » L’étude de l’IRDA, qui est accompagnée par un comité interministériel dans la réalisation de ce mandat, se poursuivra jusqu’à l’été 2023.
Nathalie Laberge, collaboration spéciale