Ma famille agricole 11 septembre 2022

De l’agriculture… et des cosmétiques

Sainte-Geneviève-de-Batiscan – PranaSens est une petite entreprise agricole spécialisée dans une production plutôt atypique : la culture de végétaux destinés à la production de cosmétiques. Ses propriétaires se considèrent comme de véritables agriculteurs et ils ont entrepris de donner eux-mêmes une valeur ajoutée à leur production.

Fiche technique :

Nom de la ferme :
PranaSens

Spécialité :
Culture biologique de plantes aromatiques transformées sur place en cosmétiques

Année de fondation :
2009

Noms des propriétaires :
Johanne Barrette et Stéphane Allaire

Nombre de générations :
2

Superficie en culture :
2 hectares (sur un total de 18 hectares)

Ça sentait bon la menthe alors que les faucilles de Johanne Barrette et de Stéphane Allaire allaient et venaient pour couper les végétaux qui prendront, par la suite, le chemin de la distillerie.

« Nous faisons de l’agriculture non alimentaire, il n’y a donc pas vraiment de programmes gouvernementaux pour nous venir en aide », rappelle Johanne Barrette, accroupie dans le champ avec son conjoint durant une journée de récolte de plantes destinées à être transformées en cosmétiques. Ces produits s’avèrent la spécialité de PranaSens.

Cette jeune entreprise, établie il y a moins de quinze ans sur une terre abandonnée de Sainte-Geneviève-de-Batiscan en Mauricie, est le rêve devenu réalité de l’herboriste et de son conjoint.

« On est les seuls au Québec à faire de la semence jusqu’à la production de cosmétiques pour une gamme professionnelle, c’est-à-dire destinée au marché des esthéticiennes », explique Stéphane Allaire.

Comme sa conjointe, il ne cache pas sa fierté devant la croissance de l’entreprise, au moment où la relève est lentement intégrée aux opérations.

« On vient d’entreprendre le diagnostic en vue d’un transfert d’entreprise », dit-il. « Pour l’instant, la relève, c’est la fille de Johanne, Marie-Michèle; mais les autres membres de la famille, Julien, Luc, Virginie, pourraient aussi être intéressés à intégrer l’entreprise dans un horizon de quelques années. »

« Pour moi, ça a toujours été clair que je prenais la relève », confie Marie-Michèle. Cette dernière est impliquée dans les opérations depuis quelques années, principalement depuis que les propriétaires ont résolu d’orienter leurs activités dans le développement de cosmétiques, sous la marque Orée, abandonnant du même coup la production d’huile essentielle en vrac.

Johanne Barrette reconnaît que la contribution de sa fille dans ce processus de mutation a été déterminante.

« Marie-Michèle, étant elle-même esthéticienne, était la personne toute désignée pour nous aider à monter le projet, à établir les protocoles de soins et à développer le marché », affirme Mme Barrette.

Dans le contexte pandémique et son corollaire, le ralentissement de l’activité économique, l’entreprise est parvenue à conserver un rythme de croissance enviable. « On s’apprête maintenant à se lancer à la conquête du marché canadien », confie Johanne.

L’intégration graduelle de cette relève réjouit et rassure le duo Barrette-Allaire.

« Évidemment, on savait qu’on allait lentement réduire nos tâches, et savoir que l’entreprise va rester dans la famille signifie qu’on pourra continuer à s’impliquer », indique la productrice.

Marie-Michèle Dubois compte profiter de l’expertise et de l’expérience des fondateurs de l’entreprise, sa mère Johanne Barrette et le conjoint de cette dernière, Stéphane Allaire. Photo : Pierre Saint-Yves
Marie-Michèle Dubois compte profiter de l’expertise et de l’expérience des fondateurs de l’entreprise, sa mère Johanne Barrette et le conjoint de cette dernière, Stéphane Allaire. Photo : Pierre Saint-Yves

L’agriculture émergente

Dans les champs de l’exploitation poussent dix variétés de plantes : le romarin, le jasmin, la lavande, l’argousier, la menthe poivrée… des végétaux distillés sur place pour entrer dans la composition des cosmétiques et eaux florales développés par l’entreprise avec le concours de chimistes.

« Je suis bien consciente de l’importance de notre rapport à la terre pour développer notre production, explique Marie-Michèle. Il faut comprendre l’aspect de la culture si on veut contrôler tout le procédé de transformation et tirer le maximum des plantes. »

Johanne et Stéphane demeurent responsables des activités culturales, des opérations de production et du développement de nouveaux produits avec le concours de chimistes consultants, sans compter l’aide de deux autres employés. Jusqu’à tout récemment, le couple avait aussi d’autres activités, notamment au sein de l’organisation de l’Union des producteurs agricoles, lui à la tête du syndicat local, elle au sein du syndicat des agricultrices.

« On trouvait important de s’impliquer pour expliquer notre vision de l’agriculture émergente comme celle qu’on pratique ici, précise Johanne. Maintenant, on laisse la place aux jeunes pour qu’à leur tour, ils proposent leur vision. » Le couple souhaite maintenant se concentrer sur le développement de l’exploitation et le soutien de sa relève.

Stéphane Allaire reconnaît que la complicité avec sa conjointe demeure l’un des facteurs déterminants dans le développement de leur exploitation. Photo : Pierre Saint-Yves
Stéphane Allaire reconnaît que la complicité avec sa conjointe demeure l’un des facteurs déterminants dans le développement de leur exploitation. Photo : Pierre Saint-Yves

 

Le bon coup de l’entreprise

Une dizaine de plantes aromatiques sont cultivées dans les champs  de l’exploitation.
Une dizaine de plantes aromatiques sont cultivées dans les champs
de l’exploitation. Photo : Pierre Saint-Yves

Après environ cinq ans d’activités, les deux propriétaires ont décidé de modifier l’orientation de l’entreprise pour se consacrer à la production de cosmétiques de gamme professionnelle. Fini la production à grande échelle et les exportations sur le marché européen. « On a abandonné la production d’huile essentielle et d’eau florale en vrac pour nous consacrer à la création de cosmétiques pour le marché professionnel, explique Stéphane Allaire.

On pouvait réduire notre surface en culture pour répondre uniquement à nos besoins. Dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, c’était une décision stratégique. »

Cette décision avait des impacts importants dans les opérations de l’entreprise et imposait le développement de nouveaux marchés. Elle nécessitait aussi d’importants investissements, notamment dans l’acquisition d’un immeuble du village qui abrite le siège social de l’entreprise. 

 

3 conseils pour bien préparer le transfert d’entreprise

1- Intégrer rapidement la relève dans la prise de décisions
L’intégration de la relève dans les processus décisionnels doit se faire rapidement, selon les producteurs. « Marie-Michèle nous a vite fait comprendre qu’il fallait qu’elle participe aux décisions avec lesquelles elle allait vivre, raconte Stéphane Allaire. Il était normal qu’elle soit impliquée à fond. »

2- Produire un « plan de match »
Les deux propriétaires le disent en chœur : il faut bâtir un plan de match, déterminer ses objectifs de croissance, de développement. « Il faut prendre le temps de s’asseoir pour établir ses priorités », indique Johanne Barrette.

3- Bien s’entourer
Les deux producteurs l’avouent sans ambages, ils n’ont pas hésité à s’entourer et à consulter des experts et des consultants qui allaient leur permettre de développer leur entreprise. « C’est important de savoir s’entourer de professionnels qui vont t’aider, dit Johanne. C’est ce qu’on a fait pour la gestion des ressources humaines, le développement de notre marché et, maintenant, avec le transfert d’entreprise. » Une pratique que la relève est déterminée à conserver.

« Il faut garder l’esprit ouvert, dit Marie-Michèle. Les consultants sont importants parce qu’ils nous font voir les choses objectivement… même si ce n’est pas toujours ce qu’on voudrait entendre. »

 

La petite entreprise dispose d’un laboratoire où sont développés et préparés les produits cosmétiques sous la marque Orée.
La petite entreprise dispose d’un laboratoire où sont développés et préparés les produits cosmétiques sous la marque Orée. Photo : Pierre Saint-Yves

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