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La culture des céréales d’automne offre plusieurs avantages, tant logistiques et économiques qu’environnementaux. En plus d’améliorer le rendement des autres cultures, ces céréales résilientes renferment un potentiel de rentabilité surprenant, selon les conclusions d’une étude menée par l’Institut de recherche et de développement en agroenvironnement (IRDA).
On aime les céréales d’automne pour leur intégration facile de cultures intercalaires. Toutes les deux peuvent agir l’année suivante comme couvre-sol d’hiver. La répartition plus équilibrée des travaux (semis à l’automne, récolte plus hâtive), le recours moins important aux herbicides et les risques de fusariose généralement moins élevés que pour les céréales de printemps permettent des économies considérables. Du point de vue de la santé de sols, l’amélioration de la structure du sol liée aux profils racinaires plus denses des céréales d’automne ne fait aucun doute. Une couverture de sol hâtive qui diminue le risque d’érosion participe à cette gestion facilitée où la nature fait le travail pour vous. Ajoutez à cela une productivité mesurable en grains et en paille, combinée à un rendement supérieur de 25 à 40 % aux céréales du printemps, et il devient quasi impossible d’ignorer l’option.
Des données concluantes
L’étude de l’IRDA a été menée dans 10 régions agricoles du Québec, soit l’Abitibi-Témiscamingue, la Mauricie, le Centre-du-Québec, la Montérégie Ouest, la Montérégie Est, le Saguenay–Lac-Saint-Jean, Chaudière-Appalaches, Lanaudière, le Bas-Saint-Laurent et l’Outaouais. Financé par le MAPAQ dans le cadre du programme Prime-Vert, ce projet, qui s’échelonnait de 2019 à 2022, visait à déterminer l’impact de quatre céréales d’automne (le blé d’automne, l’épeautre d’automne, le triticale d’automne et le seigle d’automne conventionnel et hybride) sur la rentabilité, la santé du sol et la réduction de l’usage des pesticides par rapport aux céréales de printemps.
Les conseillers responsables de superviser les sites d’essais devaient évaluer le taux de survie, l’érosion (par rapport au sol nu destiné à la céréale de printemps), le pourcentage de mauvaises herbes et le rendement de grains (kg/ha). La teneur en DON ppm, le pourcentage en protéines et le poids des grains, de même que l’incidence de fusariose, ont également été relevés. Ces données considéraient la quantité de fertilisants employés. L’étude se donnait aussi l’objectif d’élaborer sur la profitabilité des céréales d’automne.
« L’analyse économique est basée sur les coûts des intrants des opérations chez les producteurs », explique Marc-Olivier Gasser, agr., Ph. D. et chercheur en conservation des sols et de l’eau à l’IRDA, qui supervisait ce projet.
Partant de l’équation revenus – coûts variables = marge sur coûts variables, les revenus incluaient la vente de grains et de paille, tandis que les coûts variables tenaient compte des intrants (semences, engrais, pesticides), des frais relatifs à la machinerie et des frais de vente. « L’exercice essaie de prévoir au-delà des bonnes années, pour mesurer l’impact de trois bonnes années sur cinq » précise M. Gasser, qui a pu compter sur l’expertise de Jean-François Drouin, agr., MBA et économiste principal au Centre d’études sur les coûts de production en agriculture (CECPA), et Alexis Rivard, analyste en agroéconomie, pour la partie finances de l’étude. Se basant sur les données de l’IRDA pour près de 350 parcelles réparties sur 24 sites, le CECPA a établi différents scénarios de survie à l’hiver du blé d’automne et leurs effets financiers (voir tableau). Le taux de survie considérait les paramètres suivants :
• Mauvaise année = taux inférieur à 60 %, destruction du champ
• Année moyenne = survie entre 60 et 90 %
• Bonne année = survie supérieure à 90 % et un écart de rendement supérieur entre le blé d’automne et le blé de printemps
Pour la période 2019-2020, on note que les chaleurs printanières de mai-juin ont été défavorables. Les céréales d’automne avec un taux de survie à l’hiver « moyen » ont néanmoins atteint une productivité supérieure à celle des céréales de printemps durant la même année.
La saison 2020-2021 a présenté un bilan plus positif, alors que 17 sites sur 18 ont offert des rendements supérieurs pour les céréales d’automne et peu ou pas de fusariose. Fait intéressant, là où un taux de survie supérieur à 90 % est observé, les céréales d’automne deviennent une arme redoutable contre les mauvaises herbes, surpassant même la performance du blé de printemps avec herbicide. L’analyse économique révèle aussi des marges plus intéressantes pour la céréale d’automne sur la plupart des sites qui incluent la vente de paille. En effet, dans les essais dont le rendement en paille a été mesuré, les résultats obtenus permettent d’estimer un revenu supplémentaire avoisinant les 450 $/ha pour le blé, et plus de 700 $/ha pour le seigle et le triticale.
Survivre à l’hiver : un défi payant Si l’étude de l’IRDA démontre une meilleure résistance des céréales d’automne aux chaleurs printanières, encore faut-il survivre à l’hiver… « C’est l’enjeu principal et un problème complexe auquel il n’y a pas de réponse simple », expliquait à ce sujet Michael McElroy, chercheur impliqué dans le domaine de la génétique du blé d’automne au CÉROM lors d’une conférence présentée cette année aux Webinaires grandes cultures du MAPAQ. Selon lui, la capacité du blé d’automne à se transformer physiologiquement pour tolérer le froid, notamment en produisant des sucres et des protéines « antigel », est tributaire des taux de survie supérieurs observés sur certains sites. Cette phase dite de durcissement n’est réalisable qu’en présence d’un enracinement solide. Une mission délicate, mais pas impossible : ici, un semis hâtif (mi-septembre à fin-septembre), un sol en santé et nivelé, doté d’un pH adéquat (optimum : 6.5) et un bon drainage de surface sont des facteurs facilitants. Bien qu’une multitude d’impondérables influencent les résultats d’une année à l’autre, la culture des céréales d’automne reste avantageuse, même dans les scénarios de survie à l’hiver moins favorables. La possibilité de réduire le coût des intrants et la vente de paille plus abondante générée par les céréales d’automne bonifient les marges ($/ha), permettant de limiter l’impact d’une récolte de céréales de printemps décevante et même de rivaliser avec des cultures plus payantes comme le maïs-grain et le soya.
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Nathalie Laberge, collaboration spéciale