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L’histoire de Jean-Pierre Salvas, c’est d’abord une histoire d’audace, celle d’un producteur laitier québécois de Saint-Robert, en Montérégie, qui a décidé il y a 30 ans de se lancer dans un projet fou : approvisionner les communautés moyen-orientales nouvellement établies à Montréal.
Pari réussi puisqu’aujourd’hui, Fromagerie Polyethnique Le Bédouin transforme 8 millions de litres de lait par année pour fabriquer des produits distribués dans les principaux grands centres urbains au Canada et même aux États-Unis.
« C’était en 1992 et on entendait parler de libre-échange pour la première fois, se rappelle Jean-Pierre Salvas, qui exploite toujours sa ferme malgré l’envergure de son deuxième bébé. Tout le monde cherchait une niche pour sécuriser sa production. Il y en a pour qui c’était le fromage en grains; d’autres, le fromage européen. De notre côté, nous étions quatre producteurs laitiers et il y avait une communauté libanaise importante à Montréal, à environ 70 kilomètres de chez nous, qui ne retrouvait pas ses fromages traditionnels dans les épiceries. En fin de compte, nous étions seuls, mais nous nous sommes lancés quand même. »
Pour développer ses premières recettes en 1995, Jean-Pierre Salvas aménage une petite cuisine et recrute des mères de familles libanaises. « Dans ces communautés-là, ils ont toujours cinq ou six sortes de fromages différents à la maison. On est partis avec ce principe et encore aujourd’hui, même si notre production s’est un peu diversifiée, on s’en tient encore aux mêmes fromages qu’au début. »
Associés pendant de nombreuses années, la Ferme Latraverse et Jean-Pierre aimaient se présenter comme un marchand de bonheur pour ces communautés nouvellement arrivées au pays. « Le fromage est extrêmement important dans leur alimentation. Imaginez, ils arrivent ici dans un milieu qu’ils ne connaissent pas et retrouvent leurs produits à l’épicerie. C’est un bonheur incroyable », explique Jean-Pierre Salvas en souriant.
Après plusieurs phases d’expansion, la gamme de produits de la Fromagerie Polyethnique Le Bédouin est distribuée aujourd’hui dans des milliers de points de vente à travers le Canada, principalement dans les grands centres urbains où se concentrent les communautés culturelles. « C’est même nous qui fabriquons le fromage halloumi Choix du Président pour Loblaws », révèle Jean-Pierre Salvas.
Du côté du marché américain, la Fromagerie Polyethnique Le Bédouin travaille avec un entrepôt au New Jersey d’où partent toutes les commandes enregistrées sur Amazon au sud de la frontière. « On a des clients à Chicago, en Floride et même à Hawaï. Notre objectif, c’est de trouver un ou deux distributeurs pour approvisionner les clients aux États-Unis. »
Évoquant la progression de l’entreprise au fi l des ans, Jean-Pierre Salvas souligne que la chaîne Adonis, achetée en 2017 par Metro, a été cruciale dans son développement. « Adonis a été un joueur majeur pour nous. Sa clientèle, c’est la Méditerranée. Ça a été notre porte d’entrée sur Toronto. Il demeure un partenaire important pour nous », insiste-t-il.
Bientôt la communauté juive
Depuis quelques mois, la Fromagerie Polyethnique Le Bédouin développe un nouveau marché dédié à la communauté juive. « On a aménagé une section de l’usine réservée strictement pour la production casher. On commence avec un fromage cottage, mais nos partenaires veulent aussi qu’on leur fasse du yogourt, de la crème pour les pâtisseries. On a même des appels de gens de New York qui ont entendu parler du projet, mais on va prendre notre temps, explique Jean-Pierre Salvas, qui rappelle que son métier d’agriculteur lui a appris les vertus de la patience. C’est un gros marché, mais on veut commencer tout d’abord par le fromage cottage et s’assurer qu’il réponde à leurs attentes. »
L’entrepreneur souligne que son objectif n’est justement pas de s’étendre à n’importe quel prix. « Notre stratégie d’affaires, ce n’est pas de nous retrouver dans toutes les grandes bannières. On a un marché très ciblé et on s’en est toujours tenus à ça. On cherche avant tout des partenaires avec qui nous allons avoir du plaisir à travailler. Avec 8 millions de litres de lait transformé, on reste une petite fromagerie sur le marché », rappelle sagement le producteur agricole.
Une relève identifiée
Question d’assurer la pérennité de l’entreprise, Jean-Pierre Salvas y a intégré ses deux enfants : Camille fait ses classes à la direction et Marc-Antoine œuvre aux opérations. « Avec sa formation d’ingénieure biomédicale, ma fille Camille possède aussi la fibre entrepreneuriale. Le projet avec la communauté juive est une belle école pour elle. On se complète bien », souligne fièrement Jean-Pierre Salvas en parlant de sa fille qui a acquis dans les derniers mois 10 % de l’entreprise.
Le cofondateur de la Fromagerie Polyethnique Le Bédouin en profite pour lever son chapeau à Financière Agricole Canada dans ce dossier. « Quand je leur ai parlé de mon projet avec Camille, ça s’est réglé rapidement. Il y a tellement d’entreprises agricoles à la recherche d’une relève. C’est rassurant de savoir qu’on peux compter sur eux quand on fini par en identifier une. »
Aujourd’hui, la Fromagerie Polyethnique, qui a une superficie totale de 75 000 pieds carrés et procure du travail à près de 90 personnes, achemine ses produits principalement aux marchés de Montréal et de Toronto, mais également à ceux de Calgary et de Vancouver, sous plusieurs marques telles que Le Bédouin, Phoenicia et Cedar.
Ce portrait d’entreprise a été publié dans notre cahier spécial « Vos aliments, notre fierté !», propulsé par :