Actualités 8 juillet 2022

Un « mur agricole » contre l’étalement urbain à Brossard

BROSSARD – Un champ de maïs de onze hectares qui borde un secteur à forte densité commerciale du Quartier Dix30, tout près de la nouvelle station du Réseau express métropolitain à Brossard, vient d’être acquis par la Fiducie agricole REM.

Cette dernière a été créée en 2017 pour freiner l’étalement urbain au moyen d’un fonds de 2,9 M$ destiné à acquérir des terres agricoles du secteur. Cet objectif a toutefois été ralenti par la spéculation immobilière, qui a rapidement fait grimper le prix des terres.

Cette première acquisition a été rendue possible grâce à la collaboration d’Hydro-Québec, propriétaire du terrain, qui a accepté de le vendre à la valeur marchande, soit au prix de 50 000 $ l’hectare (donc un total de 550 000$).

Mis à part d’autres terres agricoles adjacentes appartenant aussi à Hydro-Québec, la fiducie ne fonde pas beaucoup d’espoir d’acheter d’autres terres dans le secteur, puisque celles-ci sont en majorité détenues par des spéculateurs immobiliers « d’ici et de l’étranger », a spécifié Nicolas Rabeau, chef de la division de l’environnement à la Ville de Brossard, lors de l’annonce officielle du 8 juillet. La mairesse de la Ville, Doreen Assaad, a toutefois assuré avoir la ferme intention de protéger les quelque 350 hectares de terres agricoles cultivables que compte encore la ville.

La pression immobilière est forte dans le secteur du Quartier Dix30. Photo : Patricia Blackburn/TCN
La pression immobilière est forte dans le secteur du Quartier Dix30. Photo : Patricia Blackburn/TCN

Pas d’objectif ni de délai

Julie Bissonnette, présidente de la Fédération de la relève agricole du Québec, qui assume également la présidence de la Fiducie agricole REM, voit malgré tout dans cette première acquisition une « valeur symbolique » qui aidera à faire comprendre aux promoteurs immobiliers que ces terres ne pourront pas servir à d’autres fins que l’agriculture. « Cette menace [de spéculation immobilière] dépasse un peu la capacité de la fiducie, mais on espère que ces onze hectares vont créer une sorte de mur agricole qui découragera les spéculateurs et encouragera les propriétaires à nous vendre leur terre pour les protéger », a-t-elle affirmé.

Martin Caron, président de l’Union des producteurs agricoles du Québec, a qualifié cette situation de paradoxale. « D’un côté, l’agriculture de proximité n’a jamais été aussi populaire, mais de l’autre, les terres agricoles avoisinant les villes sont perçues comme un investissement sûr des promoteurs immobiliers, ce qui met une pression à la hausse sur les prix », a-t-il déploré.

Julie Bissonnette et Martin Caron
Julie Bissonnette et Martin Caron

Aucun projet n’est encore sur la table pour le nouveau lot acquis par la fiducie. Il est actuellement loué à un agriculteur qui y fait pousser du maïs. Quant à savoir s’il pourrait servir à lancer un autre type de projet, par exemple de production maraîchère pour desservir un marché de proximité, Mme Bissonnette répond que la fiducie n’en est pas encore là, et que plusieurs détails, dont la qualité de la terre, sont encore à évaluer.

Cette fiducie d’utilité sociale est la solution proposée par la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) pour compenser les quelque 30 hectares de terres agricoles qui ont dû être sacrifiés pour construire la station terminale du REM. Un fonds de 2,9 M$ a été déposé dans un compte géré par les administrateurs de la fiducie, dont le mandat de départ était de créer un parc agricole métropolitain tout en assurant la pérennité des terres qui en font partie.