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SAINT-LAMBERT-DE-LAUZON — Rencontrés sur les terres de leur start-up de chanvre, comme ils l’appellent, Conrad Bernier et son fils Vincent démontrent à quel point l’audace et la vision semblent être un trait familial commun qui les a menés là où ils sont aujourd’hui. Cinq ans environ après le début de cette aventure, ils commencent enfin à récolter les fruits de leur passion pour une nouvelle culture du terroir.
Fiche technique Nom de la ferme : Spécialité : Année de fondation : Noms des propriétaires : Nombre de générations : Superficie en culture : |
En ce début d’après-midi, le soleil de juin élève la température dans la serre de Mouska Chanvre. « Il fait plus de 30 degrés; c’est trop chaud », observe M. Bernier, agronome chevronné, pointant le thermostat du site où sont en culture une centaine de plants Cannabis sativa destinés à la production de fleurs.
Issu d’une longue lignée d’agriculteurs, Conrad Bernier dispose d’un bagage imposant. Il a débuté comme producteur ovin en 1968, « dans le rang, pas loin d’ici », raconte-t-il. Il a acquis sa ferme d’élevage avec Marielle Arcand en 1975, Berarc, reprise depuis par l’un des quatre fils du couple et son épouse.
Vincent Bernier n’est pas agronome, « mais je suis tombé dedans », lâche-t-il, comme un fait inévitable. Son rayon, ce sont les affaires et le marketing. « Je m’occupe beaucoup de la gestion, explique-t-il. On a aussi des sous-contractants, des employés dans les périodes de pointe, comme le trimage. »
Près de la serre, dans une pièce où la luminosité est contrôlée, près de 200 plantes chargées de fleurs seront récoltées sous peu, avant de se retrouver, dans un mois, sur les tablettes de la Société québécoise du cannabis (SQDC). Un scénario impossible il n’y a pas si longtemps.
Percer la nouvelle industrie du CBD
« Le potentiel de la plante est énorme! Ça nous a fasciné dès le début », raconte Vincent Bernier.
« Quand on a commencé, on ne pouvait produire que de la graine », explique Conrad Bernier. Misant d’abord sur le chanvre dans nos assiettes, le « projet familial », soutenu par huit autres investisseurs dont Mme Arcand, a rapidement changé de cap. La Loi sur le cannabis de 2018 a rendu légale pour les membres de l’industrie du canadienne du chanvre la récolte de la plante entière : les têtes florales, les branches et les feuilles.
Il n’en fallait pas plus pour que les Bernier décident de miser sur le potentiel du cannabidiol, CBD de son petit nom, une molécule présente sur la fleur de chanvre et de cannabis qui aurait des vertus thérapeutiques.
Après trois ans de tests, « une traversée du désert », décrit Vincent Bernier, l’entreprise est entrée à la SQDC, ouvrant la porte au marché du mieux-être. Elle s’est établie définitivement à Saint-Lambert-de-Lauzon en 2020, sur les terres de l’ancienne seigneurie de Lauzon, d’où le nom de leur nouvelle marque, La Seigneurie. « On a les Joints du Baron, les Fleurs de la Marquise et en septembre, on devrait intégrer des nouveaux formats », dit Vincent Bernier à propos de leur gamme de produits.
Fleurir sans tabou
Aucun malaise chez les Bernier autour de cette culture non standard. « Je n’ai aucun problème avec ça! Même que c’est un peu ma faute si on est embarqué là-dedans », raconte M. Bernier le père, décomplexé et sourire en coin.
« Toute ma vie, j’ai été à l’affût de nouveaux projets qui étaient porteurs pour l’ensemble de la communauté et pour l’agriculture », ajoute celui qui a travaillé 33 ans au ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation. Informé de tout ce qui se passe en agriculture, n’hésitant pas à aller à un congrès sur le chanvre en Uruguay, il est passionné, et ça se voit : « Je ne sais pas par quel hasard, mais j’ai eu la piqure dès mon jeune âge de l’agronomie, de l’agriculture, mais aussi de la performance dans le secteur pour toujours être au-devant. »
Père et fils envisagent un avenir brillant pour la filière du CBD, qui est en plein essor. Ils visent 25 % de croissance l’année prochaine.
« On veut être les leaders sur le marché canadien, ajoute Vincent Bernier, à propos de la filière québécoise. On ne veut pas être envahis par les produits de l’Ontario, de Vancouver. »
Mais, « la règlementation n’est pas souple », souligne Conrad Bernier, ce qui complique la mise en marché et l’accès aux licences. « Il faut vendre notre produit à un producteur de cannabis et c’est lui qui peut le commercialiser à la SQDC », explique-t-il.
Qu’à cela ne tienne, rien n’arrête les Bernier, qui ont des visées internationales. « Il y a des possibilités et de la place en masse! On est au début de l’histoire », pense Vincent Bernier.
Équipement techno
Augmenter la teneur en CBD de la production et diminuer celle de THC pour n’en laisser que des traces, « c’est là tout le défi », pense Vincent Bernier.
« La génétique permet d’influencer le taux de CBD et les engrais aussi », mais les examens chimiques dans un laboratoire québécois indépendant sont « un plus dans l’amélioration de notre performance », ajoute Vincent Bernier en mentionnant qu’ils permettent de suivre l’évolution des récoltes et qu’ils sont exigés par Santé Canada comme garantie d’un produit « sans métal lourd, pesticide, microorganisme ou bactérie ».
Au cours des trois dernières années, leur production est passée d’un taux de 1 % de CBD, alors qu’ils cultivaient la graine de chanvre, à 12 % à 17 % aujourd’hui.
Le bon coup de l’entreprise
Les Bernier ont d’abord établi leur culture de chanvre industriel à quelque 200 km de leur production actuelle. « On avait choisi Kamouraska, car on savait que c’était un des bons secteurs au niveau du sol et de la température », raconte Conrad Bernier. Ils ont loué et produit en champ environ une tonne de graines annuellement, vendues comme superaliment. Avec la légalisation du cannabis, Mouska Chanvre est passé à la production en pots; un virage profitable à l’entreprise pour miser sur la nouvelle industrie du CBD. « L’avantage est d’avoir un meilleur contrôle sur la pousse, par exemple la luminosité pour faire croître plus vite la plante. » Diminuer le temps entre deux récoltes devient possible et assure une meilleure productivité. « Actuellement, tous les trois mois, on a une récolte, mais on aimerait récolter tous les mois pour être capables de fournir tout le temps, partout au Canada », affirme Vincent Bernier.
Emilie Nault-Simard, collaboration spéciale
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