Élevage 14 juillet 2022

Programme pour l’établissement de nouveaux producteurs : une occasion unique pour la relève

Démarrer une entreprise agricole de façon non apparentée relève souvent du parcours du combattant, et c’est particulièrement vrai dans un secteur contingenté comme celui des œufs d’incubation. Pour assurer la pérennité du milieu, les Producteurs d’œufs d’incubation du Québec ont développé des programmes d’aide à la relève, dont le Programme pour l’établissement de nouveaux producteurs (PENP).

Lancé en 2008, ce programme vise à favoriser la création de fermes spécialisées dans la production d’œufs d’incubation de poulet à chair à travers un prêt de contingent individuel de 1 025 000 œufs d’incubation. 

Pour se qualifier, les candidats doivent respecter plusieurs critères d’admissibilité, notamment le fait de ne pas posséder de façon directe ou indirecte de quotas dans les secteurs sous gestion de l’offre. Par ailleurs, ceux-ci s’engagent à devenir propriétaires de toute la ferme où sera exploité le contingent, et ce, pour toute la durée du prêt.

Le bénéficiaire du programme est déterminé par tirage au sort parmi les candidatures retenues. Cet octroi étant réalisé une seule fois tous les trois ans, on comprend aisément l’importance d’un tel programme pour les producteurs de la relève. 

Cinq bénéficiaires racontent leur expérience dans le PENP.

Roger Naegeli et Valérie Jutras, premiers bénéficiaires du PENP en 2008. Photo : Gracieuseté de Valérie Jutras
Roger Naegeli et Valérie Jutras, premiers bénéficiaires du PENP en 2008. Photo : Gracieuseté de Valérie Jutras

Valérie Jutras et Roger Naegeli (2008)

Valérie Jutras et Roger Naegeli rêvaient depuis longtemps d’ajouter un volet animal à leur ferme de grandes cultures à Sainte-Brigitte-des-Saults lorsqu’ils ont été sélectionnés pour la première édition du PENP, pour un prêt de contingent de
900 000 œufs. 

« Nous avons éprouvé une grande fierté, mais en même temps un certain vertige, car nous étions une relève non apparentée. Nous n’avions pas d’expérience dans ce domaine-là », relate Mme Jutras. 

« Nous avons vite compris qu’il nous fallait de l’aide. Les gens des couvoirs [provincial de Victoriaville, puis Boire et frères] nous ont bien encadrés et nous ont enseigné le métier. Même après 11 ans de production, nous sommes toujours en apprentissage », reconnaît-elle. 

Par ailleurs, Valérie Jutras a pu constater la grande collaboration qui régnait entre les différents producteurs d’œufs d’incubation. « Puisque c’est un secteur contingenté, tout le monde a mis l’épaule à la roue pour nous guider. On voit que le programme leur tient à cœur. » 

Chose certaine, le Programme a donné un gros coup de pouce à la ferme en lui permettant de diversifier ses activités. « Nous avons quatre enfants avec un potentiel de relève. Nous voulons leur bâtir une ferme solide pour le futur », affirme l’agricultrice du Centre-du-Québec. 

Preuve qu’elle est désormais une productrice bien établie, Valérie Jutras a fait partie du comité de sélection du Programme au cours des deux dernières éditions. « Ça a été une belle occasion de redonner! »

Sonia Lalumière et Jonathan Noël (2011)

Sonia Lalumière de la Ferme Avinosol. Photo : Gracieuseté de Sonia Lalumière
Sonia Lalumière de la Ferme Avinosol. Photo : Gracieuseté de Sonia Lalumière

D’aussi loin qu’elle se souvient, Sonia Lalumière a toujours aimé travailler avec les animaux, d’abord à la ferme familiale, ensuite dans le cadre de son parcours professionnel comme technicienne, agronome et productrice. « Avoir notre ferme a toujours été un rêve. Auparavant, nous étions dans le bœuf, mais la rentabilité n’était pas toujours au rendez-vous », explique l’agricultrice de L’Avenir, dans le Centre-du-Québec. 

L’annonce de leur participation au Programme a causé une petite commotion à la ferme. « On a reçu la nouvelle quelques jours après Noël. Au début, on n’y croyait pas. C’était comme si je venais de gagner la loterie », se remémore-t-elle. 

Le couple s’est lancé dans l’aventure avec la construction d’un poulailler en 2012. « Apprivoiser une nouvelle production a été un gros apprentissage. On partait de zéro. Mais le fait que je sois perfectionniste et fonceuse a aidé beaucoup », mentionne-t-elle. 

Force est d’admettre que le travail acharné s’est avéré payant, car la Ferme Avinosol a connu de très bons rendements depuis ses débuts.« Nous avons aussi bénéficié de l’aide et de l’assistance technique du Couvoir Boire. Le Syndicat est également très présent quand on a besoin d’un coup de main », précise la productrice qui se dit prête à poursuivre l’expansion de  la ferme. 

Philippe Keurentjes (2016)

Philippe Keurentjes, producteur d'Henryville.
Philippe Keurentjes, producteur d’Henryville.

Sans l’ombre d’un doute, la nouvelle aventure de ce producteur d’Henryville, en Montérégie, à titre de chef d’entreprise a commencé du bon pied. « L’année que je terminais ma technique en gestion d’entreprises agricoles, j’ai été sélectionné pour le PENP. J’étais très content; cela représentait un magnifique départ pour ma ferme », souligne-t-il. 

Philippe Keurentjes naviguait dans des eaux connues, puisqu’il avait déjà réalisé différents stages dans le domaine de la volaille. « J’aime beaucoup tout ce qui touche la reproduction. Cela représente toujours de nouveaux défis. On doit être inventif et méticuleux. »

Même s’il a éprouvé des difficultés durant les canicules de l’été 2018 et que des correctifs ont dû être apportés, le producteur retire beaucoup de satisfaction du domaine des œufs d’incubation. « Les couvoiriers et les autres producteurs chez qui j’avais fait un stage sont très présents pour me soutenir dans mon cheminement. Chaque jour, j’apprends de nouvelles choses sur ce métier qui me passionne. C’est sûr que je vais continuer longtemps dans le domaine! »

« L’année que je terminais ma technique en gestion d’entreprises agricoles, j’ai été sélectionné pour le PENP. J’étais très content; cela représentait un magnifique départ pour ma ferme. » - Philippe Keurentjes
« L’année que je terminais ma technique en gestion d’entreprises agricoles, j’ai été sélectionné pour le PENP. J’étais très content; cela représentait un magnifique départ pour ma ferme. » – Philippe Keurentjes

Jessica Bérubé et Bruno Viens (2019)

On peut dire que les propriétaires de la Ferme Viagrico, à Saint-Marc-sur-Richelieu en Montérégie, ont vécu leur Programme dans des circonstances particulières. Quelques semaines après leur sélection survenait la première vague de COVID-19. « Il a fallu s’adapter du jour au lendemain, en menant nos rencontres à distance. Heureusement, la pandémie n’a pas ralenti notre projet, car on avait déjà bien entamé les démarches. On a pu construire notre poulailler à temps et les oiseaux sont entrés en janvier 2021 », relate Jessica Bérubé. 

La première année a comporté son lot de défis, admet-elle. « Même si j’ai reçu une formation en production animale, j’ai dû faire l’apprentissage du secteur. On a reçu beaucoup d’aide du Couvoir Ramsay, qui nous a guidés dans les ajustements à faire au cours du premier lot. Le plus difficile a été le rodage des équipements. » Le deuxième lot va nettement mieux, souligne l’agricultrice. 

Jessica Bérubé apprécie particulièrement le secteur des œufs d’incubation, plus flexible que d’autres productions. « Si on détecte un problème, on peut rapidement s’ajuster et intervenir, ce qui n’est pas toujours le cas dans les grandes cultures. »

Aux éventuels candidats du PENP, Mme Bérubé recommande d’effectuer d’abord un stage dans ce type de production. « C’est une bonne façon de vérifier si on aime ce secteur, mais aussi de peaufiner son projet. » 

Jessica Bérubé et Bruno Viens de la Ferme Viagrico. Photos : Gracieusetés de Jessica Bérubé
Jessica Bérubé et Bruno Viens de la Ferme Viagrico. Photos : Gracieuseté de Jessica Bérubé

Caroline Wolfe (2021)

Un gros soupir de soulagement. Voilà comment la productrice de Rawdon dans Lanaudière résume sa réaction à l’annonce de sa sélection au Programme, à sa seconde tentative. 

« J’arriverai à 40 ans en septembre et c’était ma dernière chance de participer. Plusieurs critères devaient être respectés et d’autres projets m’avaient gardée occupée. C’était cette fois-ci ou jamais. Pour moi, c’est un rêve qui se réalise », confie la propriétaire des Poules du rang, jointe au téléphone alors qu’elle supervise le chantier de son futur poulailler à la « fine pointe ». 

« La majorité du matériel est déjà sur place. D’autres équipements, commandés depuis juillet dernier, sont en route. Malgré les délais serrés, mes poules devraient rentrer en octobre. Gérer un chantier de construction, c’est une grosse adaptation! » assure-t-elle. 

En plus des formations sur la biosécurité et le bien-être animal, Mme Wolfe est bien suivie par le Couvoir Ramsay, qui lui fournit du soutien technique.
« Étant déjà dans le domaine agricole, j’ai beaucoup de contacts. Je suis allée visiter d’autres bénéficiaires pour voir comment ça se passe. » 

Pour cette fille d’agriculteurs qui a fondé avec son conjoint une ferme porcine et de grandes cultures en 2005, la participation au Programme constituait une occasion parfaite d’assurer un bel avenir à la relève. « Nous avons quatre enfants qui montrent de l’intérêt pour l’agriculture. En diversifiant nos activités, nous leur donnons une chance de se tailler une place en choisissant une branche qui les passionne. »  

Caroline Wolfe des Poules de Rang. Photo : Gracieuseté de Caroline Wolfe
Caroline Wolfe des Poules de Rang. Photo : Gracieuseté de Caroline Wolfe