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Décidément, le paillis de seigle n’a pas fini de nous surprendre. Déjà connue pour son utilité dans le contrôle des mauvaises herbes et la lutte contre les maladies de sol notamment dans le soya et les courges, cette technique pourra ajouter un nouvel atout à son jeu. Un étudiant de l’Université de Montréal (UdeM), Jules Dumotier, a observé que cette couverture végétale avait un impact significatif sur les populations de puceron de la laitue.
À l’heure actuelle, plusieurs types de paillis végétaux — dont le seigle — sont à l’étude dans le cadre d’un projet de recherche dirigé par le professeur Jean Caron de l’Université Laval sur la protection des terres noires. Comme on le sait, les sols organiques sont particulièrement vulnérables à l’érosion.
En marge de ces recherches, une équipe d’Agriculture et Agroalimentaire Canada s’est intéressée aux impacts de cette pratique culturale sur la santé des sols et la protection des cultures. De ce petit groupe, Jules Dumotier, candidat à la maîtrise en sciences à l’UdeM, a voulu déterminer quels étaient les effets d’un paillis de seigle sur le puceron de la laitue et ses ennemis naturels. Contrairement aux autres pucerons, Nasonovia ribisnigri colonise le cœur des jeunes plants, ce qui entraîne des dégâts esthétiques importants et leur déclassement. Puisque l’insecte a tendance à bien se cacher dans le plant, le recours aux pesticides est moins efficace.
« Nous avons émis l’hypothèse que le paillis de seigle allait créer des micro-refuges servant aux ennemis naturels du puceron, entraînant ainsi une pression sur les populations. Aussi, nous avons voulu vérifier si la présence du seigle pouvait rendre la laitue moins intéressante d’un point de vue nutritif pour le puceron », résume Jules Dumotier. L’étudiant a également voulu déterminer si le paillis de seigle pouvait créer un obstacle visuel aux pucerons, qui utilisent le contraste visuel entre la terre et les plants pour s’orienter dans le champ.
Des tests en champ et en serre
Pour valider ces hypothèses, Jules Dumotier, qui a mené son projet sous la supervision des chercheurs Annie-Ève Gagnon (AAC) et Jacques Brodeur (UdeM), a effectué des tests en deux volets.
En champ, des parcelles de laitue pommée (Estival) et de laitue romaine (Sunbelt) sur paillis de seigle d’automne ont été comparées à des parcelles dont le sol était laissé à nu. Des dépistages visuels réguliers et l’installation de pièges permettaient d’évaluer la colonisation des pucerons et la présence d’ennemis naturels. Dans ces parcelles, des cages d’exclusion ont également été déposées par-dessus des laitues pour observer la colonisation des pucerons sans l’effet de leurs prédateurs.
L’autre volet des travaux s’est déroulé en serre. « Nous avons pris de la terre de deux types de parcelles pour y rempoter des laitues sur lesquelles nous avons ajouté seulement des pucerons. Le but était de vérifier si la présence antérieure du paillis avait entraîné un changement du microbiome ou un élément physique dans le sol pouvant avoir un impact sur le développement du puceron », indique Annie-Ève Gagnon.
Présence accrue des prédateurs
Dans la parcelle de laitues Estival (mi-juin à mi-juillet) sur paillis de seigle, une suppression quasi totale de la colonisation de pucerons a été observée. Celle-ci s’est accompagnée d’une population accrue de prédateurs et d’autres insectes. « La présence du seigle depuis l’automne précédent a permis de recruter des prédateurs et des insectes herbivores qui ne sont pas nécessairement nuisibles à la culture. Ces derniers servent de proies aux prédateurs, qui demeurent en place et restent à l’affût des pucerons en début de saison », explique la chercheuse en entomologie.
Quant à la variété Sunbelt (mi-août à mi-septembre), jusqu’à quatre fois moins de laitues sur litière de céréale ont été colonisées par rapport aux parcelles témoins, et ce, même si le paillis n’attirait plus autant de prédateurs et de proies alternatives. « Quand on sait que la présence d’un seul puceron peut faire déclasser un plan, ce sont des données importantes à considérer », se réjouit Jules Dumotier.
Des pucerons plus chétifs
Par ailleurs, l’étudiant a constaté une réduction de 25 à 30 % du nombre de pucerons dans les laitues Estival sur seigle en cage d’exclusion. « Non seulement ils étaient moins nombreux, ils étaient aussi différents. Ils étaient plus petits, donc probablement moins féconds. On a aussi remarqué qu’une plus grande proportion de pucerons étaient ailés, ce qui indique peut-être un facteur de stress qui les incitait à quitter cet écosystème », explique-t-il. Les données manquent toutefois avec la variété Sunbelt en raison de difficultés à établir une colonie de pucerons en cage d’exclusion. Ces résultats suggèrent à Annie-Ève Gagnon que le seigle joue un rôle indirect sur la vigueur du puceron. « La présence de cette céréale pourrait changer la qualité de la laitue pour l’insecte. En serre, nous n’avons pas vu de changement dans la croissance des populations, mais des différences ont quand même été observées au niveau du microbiome. C’est une piste à approfondir. »