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Les rendements élevés, voire records, chez bon nombre d’érablières québécoises créent des volumes de sirop d’érable presque irréels, comme au Bas-Saint-Laurent, où Wesley Levasseur et sa famille viennent de produire 1 million de livres de sirop en une seule saison. « C’est la deuxième année qu’on atteint le million de livres. C’est assez incroyable, la quantité d’eau qui est rentrée cette année », dit fièrement M. Levasseur, copropriétaire de la Sucrerie des deux versants. La saison des sucres est officiellement terminée pour les cinq acériculteurs suivis par La Terre depuis le début des sucres. Voici leur bilan.
Wesley Levasseur, Bas-Saint-Laurent
Fin de l’entaillage : 11 mars
Première évaporation : 21 mars
Rendement final: 5,3 lb à l’entaille
Objectif de rendement :5 lb/entaille
Dernière évaporation : 12 mai
Nombre d’entailles : environ 200 000
« On a arrêté hier. On bouille les derniers barils aujourd’hui. Avec les températures chaudes, la sève a travaillé et ça commence à gonfler dans la bouilleuse. Même si ça coule encore pas mal, on n’a pas le choix; il faut fermer les livres », dit Wesley Levasseur, lors de l’entrevue, le 11 mai. Par l’entremise de ses 200 000 entailles qu’il exploite avec sa famille à Saint-Athanase, il a réussi à atteindre une moyenne de 5,3 livres à l’entaille, ce qui est excellent chez lui, sans toutefois constituer un record à son érablière. Ce rendement élevé, combiné au plus grand nombre d’entailles exploitées par Wesley et sa famille, leur a permis de fracasser le plateau du million de livres de sirop produit. L’année sera ainsi payante, car l’acériculteur évalue que l’entreprise nécessite un rendement de 4 livres à l’entaille pour faire ses frais. La qualité du sirop est excellente, précise-t-il. Cependant, c’est avec surprise et déception qu’il a reçu des résultats de classement qui le pénalisent d’un montant de 21 000 $ en raison d’un défaut de saveur allégué VR4. « C’est ce qui commence à me déranger de plus en plus, de ne pas pouvoir assister au classement. Avant, on pouvait échanger avec le classificateur. Ça me permettait de mieux comprendre sa décision et de m’améliorer. On n’a plus cette possibilité-là. Je l’ai de travers, car pour moi, il n’avait aucune raison qu’il soit classé VR4. C’est un sirop de mi-saison », affirme M. Levasseur. En ce qui concerne ses projets à l’érablière, il entend changer de la tubulure et ajouter 3 000 entailles supplémentaires.
Zoé Bisaillon, Montérégie
Fin de l’entaillage : 16 février
Première évaporation : 12 février
Dernière évaporation : 8 avril
Objectif de rendement : 4,76 lb/entaille
Rendement final: 4,5 lb à l’entaille
Nombre d’entailles : 8 500
Zoé Bisaillon termine la saison 2022 avec sa meilleure récolte, ex aequo avec 2020. Une grosse saison de production comme cette année lui apporte la motivation de pousser encore davantage les rendements. Le fait de s’impliquer encore plus dans la régie de production lui a également fait voir les améliorations à effectuer pour accroître ses performances. « J’ai passé beaucoup de temps dans le bois cette année, plus que jamais. Je gérais bien mes fuites [du réseau de tubulure], mais je me suis aperçue que plusieurs petites choses nous faisaient perdre de l’efficacité. Il faudra revoir la direction de certaines pentes. On a eu de gros problèmes de gelées avec des monte-eau. On devra plutôt s’ajouter une station de pompage », décrit-elle. Zoé Bisaillon désire aussi gonfler son nombre d’entailles. En ce qui concerne la transformation, elle veut intensifier la distillation du sirop d’érable avec son conjoint, pour en faire, par exemple, de l’acerum, une eau-de-vie d’érable. Elle tient toutefois à ce que son entreprise demeure de taille familiale. « Avoir un ou deux employés, pas plus. Les gens viennent nous voir. C’est important que ce soit nous qui produisions », dit Zoé Bisaillon, dont l’érablière est située à Acton Vale. Elle met maintenant son chapeau de vigneron, elle qui produit environ 8 000 bouteilles par année avec son entreprise, nommée Domaine du Cap – Érablière et Vignoble.
Sandra Gaudet, Témiscamingue
Fin de l’entaillage : 15 mars
Première évaporation : 21 mars
Dernière évaporation : 30 avril
Rendement final: 5 lb à l’entaille
Objectif de rendement : 4 lb/entaille
Nombre d’entailles : 600
« C’est une saison où tout a très bien été. Même qu’à la fin, on s’enlignait pour désentailler et mon chum m’a dit « hey, ça coule! » Il a reparti les pompes et on est restés une journée de plus. On a finalement terminé le 30 avril avec 5 livres à l’entaille. On était bien contents. L’an prochain, on vise 6 lb à l’entaille. Je sais que c’est faisable, alors pourquoi pas? » lance Sandra Gaudet. La qualité du sirop l’a impressionnée tout au long de la saison. Même le dernier lot était bon. « Il n’avait pas de goût de sève, peut-être un goût de mélasse pour les amateurs de goûts plus prononcés », commente-t-elle. Dans ses essais, a testé une tubulure gris foncé qui, tel qu’anticipé, a permis « de décoller la coulée plus rapidement quand le soleil se montrait le nez », explique-t-elle. Les rendements obtenus cette année l’invitent à augmenter le nombre d’entailles. « On pense bien monter à 1 000 entailles. » L’acéricultrice ne veut cependant pas augmenter trop rapidement. « On veut que ça reste agréable, pas que ça devienne un stress ni que ça ressemble au beat de la ferme laitière. C’est pour notre retraite », résume Mme Gaudet. Finalement, une belle surprise qui ajoute au plaisir de cette prolifique saison des sucres demeure la découverte d’amis acériculteurs. « On s’est mis à jaser avec les voisins. On s’est entraidés beaucoup, on se donnait des trucs, c’était convivial », dit celle qui s’appliquera dans les prochaines semaines à transformer son sirop en beurre, en caramel et autres produits.
David Bolduc, Chaudière-Appalaches
Fin de l’entaillage : 19 février
Première évaporation : 23 février
Dernière évaporation : 25 avril
Rendement final: 10,56 lb à l’entaille
Objectif de rendement :7,5 lb/entaille
Nombre d’entailles : 3 225
David Bolduc savoure sa plus grosse saison de production acéricole à vie, lui qui a terminé avec 10,56 lb à l’entaille, soit bien au-delà de son objectif. « C’est un chiffre que je ne croyais pas pouvoir atteindre. Maintenant, je sais qu’on peut même aller plus loin avec un bon site, un bon aménagement et une gestion très rigoureuse. J’avais de petites lacunes cette année et j’aurais pu faire plus, mais je suis vraiment très heureux et fier de ma production », témoigne-t-il. Ses rendements élevés, décrits dans La Terre, lui ont même valu des entrevues à la radio et à la télévision. L’acériculteur souligne le rythme quasi parfait des coulées. « Ce fut une saison extraordinaire, qui a commencé sans jamais s’arrêter, car dans le passé, on a vu des saisons interminables, mais pas cette fois », précise celui qui exploite 3 225 entailles à Saint-Jacques-de-Leeds avec sa conjointe Mado. La fatigue a fini par le rejoindre. Il s’est donc accordé une pause avant de tout nettoyer. Les revenus provenant de cette récolte record lui permettront de devancer la construction d’une nouvelle cabane à sucre qui remplacera la cabane actuelle. « Une nouvelle cabane n’amène pas une cenne de plus. C’est dans le bois que ça se passe. Mais on veut un peu plus de confort. Présentement, il n’y a rien de chauffé. À 46 ans, c’est le temps, si je veux pouvoir la payer au lieu d’endetter la relève », exprime-t-il. Il aimerait bien, justement, voir l’un de ses trois enfants reprendre le flambeau. « Je travaille toujours en pensant au prochain qui va reprendre ça. J’entaille avec des chalumeaux ¼. Selon des études, ça me fait perdre près de 10 % de rendement comparativement à du 5/16, mais avec du ¼, la blessure se referme plus vite, ce qui diminue le phénomène de compartimentation », indique-t-il.
Bianka Pagé, Mauricie
Fin de l’entaillage : 25 février
Première évaporation : 24 mars
Rendement final : 3,5 lb à l’entaille
Objectif de rendement : 4 lb/entaille
Dernière évaporation : 24 avril
Nombre d’entailles : 4 000
En finissant avec un rendement de 3,5 livres à l’entaille alors que pratiquement tout le reste du Québec a connu une excellente saison, Bianka Pagé est un brin déçu. « On a encaissé la déception. J’ai parlé avec mes voisins et ils ont fait le même rendement que nous exactement. Ça me console un peu », confie-t-elle, précisant que la neige est demeurée longtemps au sol et que les épisodes ensoleillés se sont faits rares. « Mais ce n’est pas seulement la température. Nous sommes conscients qu’il faut améliorer différentes choses pour obtenir de meilleurs résultats. On s’était installé rapidement il y a trois ans. Il faudra revoir les pentes de nos maÎtre-lignes, entre autres », analyse la copropriétaire de l’Érablière Pagé-Savard et Filles à Saint-Alexis-des-Monts. Les deux seuls employés (c’est-à-dire son conjoint et elle) ont été frappés par un virus qui les littéralement cloué au sol vers la fin des sucres, leur faisant perdre un certain volume de sirop. Durant la saison morte, Bianka travaillera aussi sur sa cabane, pour terminer le revêtement extérieur notamment, et elle envisage de déménager près de l’érablière. « Cela devrait me faire gagner facilement 20 heures par semaines. C’est énorme, car actuellement, juste de voyagement, c’est trois heures par jour », souligne-t-elle.