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Ce sont les animaux les plus abondants sur Terre, et pourtant, on commence à peine à comprendre les propriétés fertilisantes et biostimulantes de leurs excréments. Gros plan sur le frass d’insectes.
Le terme frass englobe les bioproduits générés par l’élevage d’insectes, comme les excréments, la litière ou les carapaces de métamorphose. Au Québec, on retrouve trois types d’élevage : les ténébrions, les mouches soldats noires et les criquets. « Le fumier de ténébrion et de grillon est plutôt sec, tandis que celui de la mouche soldat noire est humide, et nécessitera un séchage et un conditionnement, décrit Emmanuel Caron-Garant, professionnel de recherche à Biopterre. La composition et la granulométrie du frass varieront selon l’alimentation et la microbiologie. Par exemple, si on nourrit les insectes avec des fruits, il y aura plus de levure. »
Plusieurs bienfaits…
Sans atteindre le niveau d’un engrais de synthèse, la valeur fertilisante du frass n’est pas négligeable et entraîne un effet sur la croissance des plantes, relève Louise Hénault-Éthier, professeure associée à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) et directrice du Centre Eau Terre Environnement. « Selon des études, les nutriments du frass sont rapidement assimilables ou minéralisables par la plante. En plus des macronutriments, on y retrouvera aussi des micronutriments. »
Fait notable, contrairement à d’autres amendements organiques, le frass peut faire baisser le pH du sol, d’après ce qui a pu être observé en environnement contrôlé. « Cela peut s’avérer bénéfique, car un pH trop élevé peut rendre les nutriments moins biodisponibles », ajoute-t-elle.
Plusieurs dynamiques vont se superposer avec l’usage du frass. « Il y a une libération rapide de composés solubles et assimilables, et en même temps, une libération lente de polymères carbonés et azotés, grâce à la microbiologie du sol », ajoute Emmanuel Caron-Garant. C’est sans compter les effets biostimulants de certaines molécules comme la chitine, qui provient des carapaces d’insectes. En sa présence, la plante active ses défenses naturelles et offre une meilleure résistance aux stress. Le frass offrirait aussi une résistance accrue aux sécheresses et aux excès d’eau.
… mais aussi des limites
Les éleveurs d’insectes doivent cependant composer avec certains défis, comme réussir à produire un frass homogène d’un cycle de production à un autre, mais aussi prévenir la présence de pathogènes. Également, certains frass pouvant avoir un effet allergène au niveau respiratoire – un peu comme les fruits de mer –, l’utilisation d’équipement de protection peut s’avérer nécessaire pour ceux qui manipulent ces produits.
« Il s’agit d’une industrie en démarrage et beaucoup de connaissances demeurent à développer, entre autres sur le dépistage et le diagnostic des maladies dans les élevages », résume Emmanuel Caron-Garant. Les essais que mènent Biopterre et ses partenaires sur différents types de conditionnement et d’applications en serre et en laboratoire devraient fournir certains éléments de réponse.
Une filière en développement
Pour l’instant, le principal frein à son utilisation à plus large échelle demeure son prix – de 17 à 27 $ le kilo – attribuable en grande partie à sa faible disponibilité. Au Québec, on compte une vingtaine d’éleveurs dont la production totale oscille entre 350 et 1 500 tonnes en 2020, selon les estimations de Mme Hénault-Éthier. « Considérant qu’une seule cuillerée par litre de terre peut engendrer des effets notoires, son utilisation s’adresse pour l’instant à des cultures plus nichées où on veut chercher les effets biostimulants du frass, observe la chercheuse. Cependant, cette limite est temporaire, puisque l’industrie se développe rapidement. »
Louise Hénault-Éthier et Emmanuel Caron-Garant étaient conférenciers aux Vendredis horticoles de la Montérégie.