Élevage 11 février 2022

Craintes de pertes de marché chez les éleveurs de volailles

Les ralentissements dans le secteur de l’abattage et de la transformation causés par la pénurie de main-d’œuvre et la pandémie de COVID-19 font craindre aux Éleveurs de volailles du Québec (EVQ) de ne pas être en mesure de s’acquitter de leurs obligations dans le cadre de l’entente provincial-fédéral sur la gestion de l’offre.

Actuellement, les éleveurs du Québec produisent environ 22 % du total de la production canadienne, mais s’ils ne livrent pas la totalité des kilogrammes de viandes prévus à leur allocation, les proportions manquantes pourraient être réassignées par les Producteurs de poulets du Canada à d’autres provinces désireuses d’en obtenir davantage. Une situation que les EVQ redoutent, puisqu’elle se traduirait par une baisse de production dans les fermes. Un plan visant à assurer la réalisation de l’allocation de poulet malgré les ralentissements des abattoirs a été présenté aux éleveurs le 2 février. Diverses solutions ont été discutées, dont la priorisation par les abattoirs des poulets québécois par rapport à ceux des autres provinces et une réduction des volumes de poulet destinés à l’exportation.

Nouveaux joueurs

Les Éleveurs de volailles du Québec misent par ailleurs sur la croissance de la consommation de poulet pour que les volumes d’approvisionnement garantis (VAG), qui donnent aux transformateurs des droits d’abattage, s’ouvrent à de nouveaux joueurs de taille moyenne. « Les enjeux de capacité des acteurs en place [Exceldor et Olymel, qui détiennent actuellement 96 % des VAG] ont été démontrés dans la dernière année. Il faut donc que la prochaine convention prévoie un nombre suffisant d’acteurs pour prévenir les cas de force majeure et assurer l’approvisionnement en continu des marchés », spécifie l’organisation dans un échange de courriels avec La Terre.

Cet élément est justement négocié entre les EVQ et les transformateurs dans le cadre du renouvellement de la Convention de mise en marché du poulet, échue depuis le 23 décembre.

Une meilleure communication réclamée

Des éleveurs de volailles gardent un goût amer du récent épisode d’abattage humanitaire de milliers de poulets par la coopérative Exceldor, même si ceux qui ont dû couper dans leur production ont été dédommagés pour leurs pertes.

Roger Leblanc, éleveur de poulets de Saint-Barnabé-Sud, en Montérégie, est l’un d’eux.  Il a été forcé de réduire temporairement sa production à la demande d’Exceldor, qui n’était plus en mesure d’abattre les poulets au début du mois de janvier. Le producteur croit que cette situation chaotique aurait pu être évitée si les Éleveurs de volailles du Québec et les transformateurs avaient mieux communiqué entre eux. « Là, ça ne s’écoute pas pantoute. Il y a beaucoup trop de chicane entre les abattoirs et la fédération! Les éleveurs sont écœurés. Il faut travailler ensemble », clame-t-il. 


« On est à des années-lumière de 2017 »

Les négociations entourant le renouvellement de la Convention de mise en marché du poulet, échue depuis la fin décembre, ont commencé entre les Éleveurs de volailles du Québec (EVQ) et les transformateurs. Et tant les Éleveurs de volailles du Québec que le Conseil québécois de la transformation de la volaille (CQTV) ne souhaitent revivre les négociations de la Convention de 2016-2017, qui ont établi un record historique de 44 jours d’audiences en arbitrage devant la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec.

« On est à des années-lumière de là », soutient Marie-Eve Tremblay, directrice générale des EVQ, qui précise que les négociations se déroulent d’une manière harmonieuse jusqu’ici, avec la volonté des deux parties « de faire ça court ». Sylvie Richard, secrétaire générale au Conseil québécois de la transformation de la volaille, rapporte aussi un climat « correct et des échanges constructifs ».

Le contexte est d’ailleurs très différent [de ce qu’il était en 2016], souligne Mme Tremblay, qui donne en exemples la grève et les problèmes de main-d’œuvre qui ont entraîné l’euthanasie de millions de poulets à deux reprises dans la dernière année chez Exceldor. « On croit que la convention actuelle est trop fermée et qu’il faut trouver des solutions pour ouvrir la transformation à plus de joueurs », précise la directrice générale des EVQ.

Une information que confirme la secrétaire générale du CQTV, Sylvie Richard, qui précise que son organisation a été la première à dire que la convention devait être changée. « Mais si on s’entend sur cet objectif de faire plus de place à de nouveaux acheteurs, nous ne sommes pas encore d’accord sur les moyens pour y arriver », nuance-t-elle.