Forêts 1 février 2022

S’inspirer de la mécanisation dans la production d’arbres de Noël

Dans un contexte de rareté de la main-d’œuvre, plusieurs filières cherchent à mécaniser, voire à robotiser leurs opérations. Le secteur des arbres de Noël n’échappe pas à cette tendance, avec l’émergence ces dernières années de différentes initiatives de modernisation, dont certaines seraient susceptibles d’inspirer d’autres producteurs ornementaux en plein champ.

Cet épandeur de Conception Duquette permet l’application en bande. Photo : Gracieuseté de Conception Duquette
Cet épandeur de Conception Duquette permet l’application en bande. Photo : Gracieuseté de Conception Duquette

Le secteur des arbres de Noël pouvant compter jusqu’à récemment sur une main-d’œuvre abondante, les opérations culturales sont restées sensiblement les mêmes pendant plusieurs décennies. La raréfaction des travailleurs n’est pas étrangère à l’accélération des efforts pour mécaniser la filière, estime Dominique Choquette, conseillère en arbres de Noël et petits fruits à la direction régionale de l’Estrie, au ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ). 

« À l’heure actuelle, nous observons deux tendances. Certains ont transformé des équipements déjà existants pour être plus efficaces dans leurs opérations. D’autres ont mécanisé certaines opérations pour changer leurs pratiques. C’est plus récent comme mouvement et encore peu répandu », analyse l’agronome, qui présentait une conférence sur les applications en pépinière des différentes techniques employées dans le secteur des arbres de Noël, à l’occasion d’Expo Québec Vert, en novembre dernier.

Fertilisation

Parmi quelques-unes de ces innovations, mentionnons l’épandeur fabriqué par Conception Duquette, une entreprise de l’Estrie. Déjà utilisé par plusieurs producteurs d’arbres de Noël, celui-ci se démarque des épandeurs pendulaires grâce à sa cuve d’une capacité de 800 kg (selon le site du fabricant) et sa polyvalence, puisqu’il peut appliquer de l’engrais, mais aussi de la chaux, du soufre et du compost. « Son utilisation offre un gain de temps et sa configuration très étroite (5 pieds) permet l’application en bande. Ce type d’épandeur peut également servir dans les productions fruitières en haie », commente Dominique Choquette.

En temps normal, un chantier de récolte mobilise sept ou huit travailleurs. Photo : Gracieuseté du MAPAQ de l’Estrie
En temps normal, un chantier de récolte mobilise sept ou huit travailleurs. Photo : Gracieuseté du MAPAQ de l’Estrie

Applications phytosanitaires

Autre innovation technique qui a fait son chemin dans les plantations d’arbres de Noël : le pulvérisateur à jets dirigés multirangs, équipé d’une rampe horizontale ou verticale. Le MAPAQ a d’ailleurs financé un projet (2014-2017) en partenariat avec l’Association des producteurs d’arbres de Noël du Québec (APANQ) pour déterminer les paramètres optimaux de pulvérisation, considérant la silhouette conique et le feuillage formé d’aiguilles des sapins. « Ce type d’équipement représente un gain d’efficacité par rapport aux pulvérisateurs à jets portés de type canon et permet aussi une meilleure application des biopesticides qui ont besoin d’une bonne couverture », explique l’agronome. Peu sensible à la dérive par le vent, un pulvérisateur à rampe horizontale ou verticale consomme 50 % moins d’eau qu’un pulvérisateur de type canon. 

Un guide de conception est disponible gratuitement sur Agriréseau à l’adresse https://www.agrireseau.net/documents/Document_103678.pdf

Taille des arbres

Afin de donner une belle densité à l’arbre, la taille se fait encore à la main chaque année en juillet. Le fabricant danois Jutek a développé une tailleuse mécanique d’une capacité de 350 à 400 arbres par jour. Cependant, son prix élevé (340 000 $) constitue un frein important, considérant qu’une équipe de travailleurs peut soutenir un rythme quotidien de 600 à 800 arbres. Plus près de chez nous, le producteur Michel Paquette a conçu une tailleuse mécanique d’une capacité de 300 à 400 arbres par jour, encore au stade de prototype. « C’est une opération que les producteurs rêvent de pouvoir mécaniser », résume Dominique Choquette.

Le pulvérisateur à jets dirigés multirangs permet une application de produits phytosanitaires plus efficace que les « canons ». Photo : Gracieuseté d’André Pettigrew
Le pulvérisateur à jets dirigés multirangs permet une application de produits phytosanitaires plus efficace que les « canons ». Photo : Gracieuseté d’André Pettigrew

Taille des arbres en hauteur

Certains efforts d’amélioration des pratiques culturales ont également des retombées positives pour la santé et la sécurité des travailleurs. L’utilisation de nacelles pour la taille des têtes, destinée à donner aux arbres de Noël leur cime droite, permet de gagner du temps, mais aussi d’éviter aux employés des maux de cou et de dos associés à une mauvaise posture prolongée.

Le MAPAQ et l’APANQ ont étudié l’impact d’une technique d’emballage prérécolte sur les arbres. Photo : Gracieuseté du MAPAQ de l’Estrie
Le MAPAQ et l’APANQ ont étudié l’impact d’une technique d’emballage prérécolte sur les arbres. Photo : Gracieuseté du MAPAQ de l’Estrie

Récolte

Enfin, la récolte est une étape dont le potentiel de mécanisation est très élevé. En temps normal, un employé est affecté à la coupe, suivi de deux collègues qui ramassent les arbres pour les apporter à l’emballeuse où sont postés trois autres travailleurs. À ce petit groupe s’ajoute un chauffeur qui fait la navette entre la plantation et la cour d’entreposage. Tout un chantier!

La solution pourrait venir d’une technique d’emballage des arbres en prérécolte développée par Michel Paquette et Yvan Bergeron des Équipements Sapy. Une fois les arbres emballés, la coupe et le ramassage se feraient de façon simultanée grâce à une pince-sécateur. Cette technique constituerait un gain majeur en efficacité par rapport à la récolte traditionnelle, d’autant plus qu’un producteur pourrait étaler la période d’emballage avant la récolte.

Ces trois dernières années, le MAPAQ et l’APANQ ont mené un projet afin de documenter les effets de l’emballage prérécolte sur la qualité du feuillage. « Les arbres ont très bien réagi. Ils semblent s’autoréguler. Puisque leurs racines sont là, ils sont capables de compenser la perte d’eau, observe Dominique Choquette. La technique et la séquence des opérations restent encore à peaufiner, mais c’est une innovation qui pourrait faire une grosse différence pour les producteurs. » Les résultats complets du projet seront d’ailleurs dévoilés au cours de l’hiver. 


Ce texte a été publié dans notre cahier L’UtiliTerre du mois de février 2022.