Ce contenu est réservé aux abonné(e)s.
Pour un accès immédiat,
abonnez-vous pour moins de 1 $ par semaine.
S'abonner maintenant
Vous êtes déjà abonné(e) ? Connectez-vous
VICTORIAVILLE – L’importance de la relation humaine est souvent sous-estimée et peut compromettre des réalisations cruciales comme un transfert de fermes, ou simplement contrecarrer les recommandations d’un conseiller, a expliqué Émylie Cossette, psychologue et conseillère en transfert de ferme, lors d’une conférence au Colloque gestion 2021. Cet évènement a eu lieu le 24 novembre à Victoriaville à l’invitation du Centre de référence en agriculture et agroalimentaire du Québec (CRAAQ).
« Il y a beaucoup trop de transferts [de ferme] qui échouent en raison de la relation humaine. Des cas où le cédant et la relève travaillent dans la même bâtisse, mais qui ont de la difficulté à se dire deux mots par jour, ou sans se crier après. Souvent, il se crée de l’accumulation, et ça éclate pour une banalité. Exemple : le pick-up n’est pas stationné au bon endroit dans la cour! Le cédant ne veut alors plus faire un don de X millions à sa relève qui ne le respecte pas suffisamment à son goût », exprime Mme Cossette, qui a vu, ces dernières années, des cas réels de ce genre.
Elle qui est notamment spécialisée en transfert de fermes au Groupe ProConseil, en Montérégie, précise que des producteurs font appel à des professionnels afin d’obtenir des conseils fiscaux en vue d’optimiser leur transfert de ferme, mais elle s’aperçoit, dans certains cas, que la priorité n’est pas la fiscalité, mais la relation humaine. « Il y a des choses qui accrochent entre le cédant et la relève. Des tensions au sujet de la prise de décision, des méthodes de travail, de l’éthique de travail, des horaires, des vacances… Des choses qui ont été mises sous le tapis trop longtemps et qui créent une relation nuisible », insiste-t-elle en ajoutant que des transferts de ferme finissent quand même par se réaliser, mais de façon brusque. « Il y a des cas où le cédant en a assez et ne veut plus travailler avec la relève et vice-versa. L’expertise du cédant n’est alors pas transférée à la relève, ce qui peut mettre la pérennité de l’entreprise en péril », constate la psychologue de formation.
L’humain est souvent plus complexe qu’il ne paraît. Et ses relations aussi. Émylie Cossette souligne l’importance de comprendre la situation de l’autre.
« Certains agriculteurs vivent des deuils. Quand ils vieillissent, ils ont moins de force physique, moins d’endurance, moins de capacités. C’est un deuil pour eux. Et leur identité est très collée sur leur métier d’agriculteur. Ce n’est pas comme un retraité qui est heureux de pouvoir enfin jouer au golf tous les jours. Le fait de céder leur ferme, c’est parfois un autre deuil difficile. Il faut en tenir compte dans la relation, tout comme il faut tenir compte que la relève peut vouloir plus de temps pour ses loisirs et sa vie familiale », exprime-t-elle.
Même chose en conseils
Émylie Cossette s’est adressée aux conseillers agricoles spécialisés en gestion qui assistaient à sa conférence pour spécifier que dans leur métier, l’importance de la relation humaine et du lien est souvent sous-estimée. « Un conseil, aussi bon soit-il, n’aura pas d’impact s’il ne tombe pas en cohérence avec les valeurs et la motivation de la personne. » Elle donne l’exemple d’un conseiller qui dit à un producteur ne pas acheter un nouveau tracteur, que ce n’est pas un bon choix. « Le lendemain, le tracteur est dans la cour. Mais souvent, ce n’est pas le conseil qui n’est pas bon, c’est la relation. Et ça peut être frustrant pour un conseiller. C’est un enjeu qui en confronte plusieurs, de savoir faire passer ses idées et de gérer quand ça ne passe pas. Surtout que certaines choses fonctionnent avec un producteur, mais ne fonctionnent pas nécessairement avec l’autre », dit-elle.
À son avis, les conseillers en gestion ne bénéficient pas suffisamment de formation sur l’aspect relationnel. « C’est une lacune d’après moi. Quand le client dit non à un conseil, je fais quoi? Quand il se met à pleurer devant moi, je fais quoi? », énumère Mme Cossette.