Vie rurale 22 décembre 2021

Un lapin nain tête de lion pour Noël

Hugo était petit et trapu. Une crinière soyeuse, de 10 cm de long, ornait sa jolie tête ronde et s’allongeait jusqu’aux oreilles en passant par ses épaules. Il aimait croquer le foin très frais, un brin à la fois, et surtout, gruger des planches de bois de grange. Mais plus que tout, ce lapereau nain tête de lion adorait faire des sauts et des cabrioles.

Or, depuis qu’il avait été séparé de sa maman et placé dans une cage étroite, ces pirouettes gênaient ses colocataires aux yeux rougis, de gros lapins sauvages d’Espagne. Oh non, ses compagnons lapins n’étaient pas des athlètes olympiques et n’avaient pas beaucoup de conversation. Cela l’ennuyait. Il aurait aimé des colocataires loquaces. Des amis, des sœurs, avec qui il aurait pu parler de maïs-grain délicieux, de potagers et de grands clapiers à faire rêver. Ou mieux, des enfants avec qui jouer et qui voudraient bien lui gratter l’arrière des oreilles. Mais non. Il se résignait à faire la sieste, le museau écrasé sur ses courtes pattes avant.

Puis, un jour de décembre, il en eut assez. Il voulut vivre sa vie de lapin. 

Il avait entendu que bientôt tous les lapins de l’étage allaient partir pour un long voyage sur la route et ne reviendraient jamais. Il allait attendre ce moment, précisément, et fuir.

Le jour venu, comme il neigeait dehors, il enfila ses petites bottes rouges, une belle cape bleue et un bandeau jaune. Il attendit que l’employé du bâtiment ouvre la minuscule porte de l’enclos et c’est à ce moment qu’il bondit hors du clapier, à vive allure. Il se mit à courir, courir, sans jamais regarder derrière. De toutes ses forces, il poussa la grande porte de bois qui le séparait de ses rêves et sortit dans le froid de l’hiver.

Un grand champ de cultures gelées s’ouvrit devant lui. Il s’engagea alors vers une lisière d’arbres qui bordaient la grande superficie et poursuivit sa course. Mais juste avant d’atteindre une cachette, une grande bourrasque de vent le souleva de terre et le fit monter haut, très haut dans le ciel. Si haut qu’il en perdit connaissance presqu’instantanément.

À son réveil, il fut à la fois surpris et apeuré de trouver, devant son œil, la truffe d’un gigantesque chien qui reniflait son poil.

– Qui es-tu, énorme canin? bégaya Hugo, le souffle court.

– Je suis Whisky, Whisky Taylor, la chienne royale du père Noël. Je rentrais au Pôle Nord avec le traîneau de papa Noël quand je t’ai vu courir dans le champ glacial. Je me suis dit que tu allais mourir de froid ou te faire manger par les coyotes. Mais à quoi pensais-tu? Tu es fou? Je t’ai donc aspiré dans notre traîneau magique.

Hugo n’en croyait pas ses oreilles de lapin. Encore sur le dos, il reprit ses sens et aperçut au loin un gros ventre rouge qui montait et descendait. Puis, en observant mieux, il vit une longue barbe blanche fournie. 

– C’est le pppppère Nnn…? tenta de prononcer le lapin nain, qui connaissait la légende du vieux barbu.

– En chair et en os, dit Whisky. C’est bien lui! Mais il est débordé. C’est aussi pour ça que je t’ai emmené au Pôle Nord. Nous avons besoin d’un coup de pouce pour distribuer les cadeaux, sans quoi, Noël sera annulé cette année. Si tu m’aides, je pourrais te déposer ensuite dans une ferme maraîchère où des enfants ont demandé un lapin pour Noël comme animal de compagnie.

Et c’est ainsi qu’Hugo distribua, cette nuit-là, les cadeaux de milliers d’enfants avec Madame Taylor. Puis, Hugo termina sa course dans une belle serre où poussaient concombres et laitues croquantes.

– Adieu et merci mon amie Whisky, souffla le lapin à la crinière maintenant échevelée.

Au loin, un petit homme venait vers lui, tout souriant, quelques brins de foin glissés dans sa main…   


Les illustrations et dessins ont été réalisés par Judith Boivin-Robert.

Pour entendre ce conte en version audio, écoutez notre balado Le son de La Terre, édition spéciale de Noël.

Ce conte a été rédigé et publié dans le cadre de notre cahier spécial des Fêtes, publié le 22 décembre 2021.