Vie rurale 24 décembre 2021

L’âne, ce grand oublié fidèle et courageux

C’est l’un des personnages clés qui assure un peu de chaleur au nouveau-né dans la crèche de Noël, mais il demeure pourtant l’un des grands oubliés d’autant que les crèches trouvent de moins en moins leur place sous les sapins.

Dans les fermes du Québec, il y a déjà « belle lurette » que les ânes ont disparu après des décennies, voire des siècles, de loyaux services.

Il reste quelques irréductibles amoureux de cet équidé, comme Lucie Landry, à Sainte-Mélanie dans la région de Lanaudière, ou Christian Voillemont et Monique Deiber, dans la petite municipalité de Vinton au nord de l’Outaouais.

« Les recensements agricoles d’autrefois démontrent bien qu’il y a eu des milliers d’ânes au Québec dans les fermes, pour le transport des grains dans les moulins ou de l’eau d’érable, et aussi pour le travail dans les mines », raconte Christian Voillemont, originaire de Nancy en France. En 1999, il a acheté une fermette de 10 hectares pour y installer le refuge Val à l’âne qui a déjà compté jusqu’à 20 bêtes, mais en héberge maintenant moins d’une dizaine.

« Mon père a été étonné d’apprendre mon intérêt pour les ânes parce que son père – mon grand-père – avait aussi développé un attachement pour cet animal dont il avait la responsabilité lors des combats dans les tranchées de la Première Guerre mondiale. » Il partage maintenant le bagage de connaissances qu’il a acquises sur son portail Internet Âne du Québec (anesduquebec.com).

Aujourd’hui, personne ne peut dire avec précision combien d’animaux compte le cheptel des ânes au Québec; sans doute quelques centaines. Dans la grande majorité des cas, ils sont élevés pour leur lait utilisé dans la fabrication de savon et de cosmétiques.

Deux pionniers

Les propriétaires de la Ferme l’Âne du Saint-Laurent du hameau de Port-au-Persil, près de Saint-Siméon dans Charlevoix, en ont fait leur spécialité.

Nathalie Duvermy et Serge Kremer, eux aussi venus de France il y a plus de 20 ans, se décrivent comme les pionniers dans cette production en Amérique du Nord. Ils ont développé la gamme de produits Shamâne depuis 2007 et ce n’est que tout récemment qu’ils se sont défaits de leurs animaux pour se consacrer à la mise en marché de leurs produits à base de lait d’ânesse provenant d’autres éleveurs. « Nous nous sommes assurés que les ânes se retrouvent chez des personnes qui en prendraient le plus grand soin », explique Serge Kremer.

Tous ces amoureux des ânes déplorent que bon nombre de ces animaux, pourtant attachants, soient négligés ou ne reçoivent pas les soins appropriés. « On pense à tort que les ânes doivent être traités comme des chevaux, explique Lucie Landry. Ils doivent avoir une alimentation beaucoup moins riche, sinon ils développent des problèmes de santé. Il faut éviter les grains à l’exception de l’orge et idéalement du foin de première coupe. »

Depuis plus de 15 ans maintenant, Lucie Landry a fait de sa ferme de  Sainte-Mélanie, L’âne gardien, un refuge où elle héberge et soigne jusqu’à une vingtaine de ces équidés qu’elle trouve tellement attachants. Photo : Pierre Saint-Yves
Depuis plus de 15 ans maintenant, Lucie Landry a fait de sa ferme de Sainte-Mélanie, L’âne gardien, un refuge où elle héberge et soigne jusqu’à une vingtaine de ces équidés qu’elle trouve tellement attachants. Photo : Pierre Saint-Yves

Avec son asinerie L’âne gardien de Sainte-Mélanie, Lucie Landry a développé un refuge pour ces animaux. Elle y offre la pension à tout près de 20 ânes et accueille les visiteurs qui peuvent les soigner ou faire une balade dans ses sentiers d’interprétation.

Christian Voillemont, lui, croit déceler un intérêt pour les ânes chez certains petits producteurs maraîchers. « L’âne est un excellent animal de trait dans les champs et permet d’éviter l’utilisation de machinerie et la compaction des sols, dit-il. De plus, il repousse les loups et les coyotes. »

Les propriétaires d’ânes les décrivent tout de même comme des animaux pacifiques et dociles. D’ailleurs, si un âne a porté Marie lors de son arrivée à Nazareth et au moment de la fuite en Égypte et Jésus lors de son entrée dans Jérusalem, c’est que cet animal symbolise fidélité, humilité, patience et courage.


Ce conte a été publié dans le cadre de notre cahier spécial des Fêtes, publié le 22 décembre 2021.