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Même si le gaspillage alimentaire demeure majoritairement attribuable à la négligence des consommateurs, les producteurs situés en amont de la chaîne doivent aussi composer avec le phénomène.
« Quand des produits avec une valeur marchande sont laissés au champ, c’est qu’il n’y a pas d’autres alternatives, dit Catherine Lessard, directrice économique, politique et recherche à l’Association des producteurs maraîchers du Québec (APMQ). Soit il n’y a pas de main-d’œuvre disponible pour les cueillir, soit les conditions météo ne sont pas propices à la récolte ou la production n’est pas commercialisable en raison de maladies ou d’insectes, par exemple. »
Au Canada, 61 % du gaspillage alimentaire seraient imputables aux consommateurs, 10 % aux distributeurs, 15 % aux transformateurs et 14 % aux producteurs. « Les maraîchers sont conscientisés, mais les solutions ne sont pas toujours évidentes », poursuit l’agronome, qui donne en exemple un producteur de betteraves prêt à offrir une grande quantité de sa récolte de fin de saison. « Les banques alimentaires locales ne sont pas prêtes à prendre des tonnes de betteraves au même moment. Disons que l’adéquation n’est pas toujours parfaite entre leurs besoins versus ce qui sort des champs et ce que les producteurs sont prêts à donner. »
Les Américains prêts à payer
Dans ce contexte, plusieurs producteurs maraîchers de la Montérégie, avantagés par leur proximité avec la frontière avec les États-Unis, se sont tournés vers les banques alimentaires américaines pour écouler leurs productions de grade inférieur. À la différence des banques alimentaires canadiennes et québécoises, celles-ci sont prêtes à payer pour acheter la marchandise.
Depuis une dizaine d’années, les Maraîchers L & L écoulent leurs surplus de cette façon. « Je n’ai pratiquement aucun déchet qui retourne au champ », souligne Catherine Lefebvre, une productrice de Saint-Michel, dans la MRC des Jardins-de-Napierville. De novembre à mars par exemple, elle vend environ 400 poches de betteraves de 50 livres par semaine au moyen de cette filière.
« Au contraire des banques alimentaires d’ici qui demandent de la diversité et de la gratuité, les Américains prennent tout. Si c’est juste du chou qu’on a à offrir une semaine, ils le prennent en se disant que ceux qui en ont besoin vont manger du chou cette semaine-là. »
Catherine Lefebvre est consciente que son choix pourra paraître ingrat face aux besoins des banques alimentaires locales, mais elle l’assume. « À un moment donné, j’ai des dépenses à payer moi aussi à la fin du mois. Je ne fais pas d’argent en vendant aux États-Unis parce que les prix qu’on reçoit sont bas, mais ils sont suffisants pour faire mes frais. C’est-à-dire que ça paie le coût de production et de l’emballage. Et en plus, j’ai la satisfaction de penser qu’on nourrit des gens et qu’on ne fait pas de déchets. »
Transformation des produits déclassés
Du côté du Terroir de Dunham, c’est par la transformation qu’on mène le combat contre le gaspillage alimentaire. « On a commencé avec les asperges croches qu’on a commencé à vendre comme déclassées. Puis quand on s’est mis à en produire plus, on a démarré le volet alimentaire en faisant des vinaigrettes, des quiches, des potages avec nos asperges », relate le maraîcher Jean-Marie Rainville.
Les surplus ou récoltes de grades inférieurs de fraises, choux-fleurs, brocolis, citrouilles et courges prennent depuis ce temps le chemin de la transformation en divers produits avant d’être vendus sur place. « On utilise la congélation pour avoir de l’inventaire à l’année pour nos produits transformés. Pour la plupart de nos légumes qui ont moins de qualité, on a trouvé une valeur ajoutée. C’est quelquefois un peu plus difficile avec les petites fèves et le maïs sucré. Ce qu’on n’écoule pas, on l’envoie au compost au champ », raconte le maraîcher qui a entrepris en 2004 ce volet transformation qui occupe aujourd’hui cinq salariés.
Des bénévoles au champ
Autre initiative intéressante, celle de La Mauricie récolte, un projet mis en place il y a trois ans qui consiste à solliciter des producteurs afin d’aller cueillir leurs récoltes qui sont laissées aux champs faute de ressources, de rentabilité ou de temps pour les récupérer. La règle est ensuite de diviser à parts égales la récolte entre le producteur, les cueilleurs et les organismes œuvrant en sécurité alimentaire qui gèrent le programme.
Les denrées recueillies sont ensuite distribuées dans les écoles, garderies, camps estivaux et surtout dans les banques alimentaires. Neuf fois sur dix, les producteurs qui participent au programme laissent leur part et les cueilleurs bénévoles ne repartent généralement qu’avec ce dont ils ont besoin. Il arrive aussi quelquefois que les agriculteurs aient déjà procédé à la récolte et communiquent avec les organismes afin qu’ils viennent la chercher. En 2020, 21 000 kg (21 tonnes) de denrées ont été ainsi récoltés dans les champs.
Cet article a été publié dans notre cahier spécial Fruits et légumes du Québec, printemps 2021.