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Contrairement à bien des artistes qui ont quitté leur patelin pour édifier leur nid à Montréal, Fred Pellerin a décidé de rester bien enraciné dans son Saint-Élie-de-Caxton et d’y convier le reste du Québec. Le conteur, qui a contribué, à sa manière, à dépoussiérer le terroir culturel d’ici, nous confie sa vision de la campagne.
Pour vous, qu’est-ce que représente la vie à la campagne?
Pour moi, vivre à la campagne, c’est la seule option possible. D’abord, parce que je ne pourrais jamais habiter la ville. Pour avoir grandi dans un village, je sors souvent en ville, mais le surplus qui s’y trouve me surstimule. Des lumières, des gens, des chars, des klaxons… Mon cerveau, habitué à virer sur le rythme Caxtonien, se trouve survolté quand on le chauffe à l’urbanité. Vivre en milieu rural, au départ, c’est pour moi l’unique façon. Plus tard, c’est devenu de l’inspiration, de la conviction et de l’avantage. Plus tard, seulement.
Que diriez-vous aux néoruraux ou aux gens qui songent à déménager leurs pénates loin des grands centres urbains?
Il y a dans un village des possibles que n’offre plus la ville. Dans sa dimension, le village demeure encore transformable, atteignable par les convictions, portable sur les épaules. Du coup, à chaque fois qu’il s’y trouve matière à chialer, il s’y trouve surtout une responsabilité d’investir, de collaborer, de brasser la cage.
Avez-vous remarqué que la ruralité a changé, ces dernières années?
Je pense que le concept de la ruralité a pris un bel élan depuis quelques années. On a longtemps confondu la ruralité avec l’éloignement ou le « en-retard-dans-les-nouvelles ». On a longtemps parlé du manque de ressources, d’emploi, de manifestations culturelles dont souffraient les villages. Aujourd’hui, avec les moyens de communication, avec un retour important des jeunes familles dans certains coins de notre mappe, le vent est en train de virer de bord.
À votre avis, quelle est la « recette » des villages dynamiques?
Les villages dynamiques sont ceux qui grandissent avec leur monde, qui réussissent à pousser en impliquant les gens qui y vivent, en respectant les choix et en préservant la qualité de vie des leurs. On pense que l’injection de fric est nécessaire au ravigotage, que l’économie est la seule voie possible pour le développement de nos petits coins. Pourtant, je demeure convaincu que la seule façon de durer dans l’élan est de placer la dimension collective devant tout le reste. À construire sur du sentiment d’appartenance, sur de l’implication, sur de la fierté, on s’offre les bases nécessaires à un projet collectif réel, vigoureux et durable.
Auriez-vous quelques trucs pour attirer de nouveaux habitants dans nos campagnes?
On s’invitera à souper, on se réappropriera nos lieux, on mettra de la couleur, on retrouvera le bois en-dessous du vinyle, on s’enverra la main, on boira du café ensemble, on ira voir les étoiles filantes, on jouera de la guitare, on fera une porte dans la clôture, on laissera une clé au voisin, on donnera un coup de pelle sur la galerie d’en face, on prendra une marche pour jaser, on fera la file à l’épicerie, on amènera les enfants tous les jours au bureau de poste, on connaîtra les maisons par le nom de leur propriétaire, on fera un fort dans la butte de neige pour n’attaquer personne… Comme ça et un peu plus. Et ils viendront, les nouveaux, j’en suis sûr.
Jugez-vous la cohabitation possible entre les habitants de longue date d’un village et les nouveaux arrivants?
Une cohabitation? Pour sûr que c’est possible. J’y crois et j’en ai des preuves. Il restera longtemps, presque toujours, une origine d’ailleurs à l’étranger. Le néo ne sera jamais « le gars d’untel » ou « le petit-fils de », mais il pourra quand même s’inscrire le maillon dans le réseau établi.
Auriez-vous justement des conseils pour les « petits nouveaux »?
Difficile pour moi de donner dans le conseil sur ce point-là. Surtout parce que je n’ai jamais été arrivant, même si très partant! J’en ai vu certains qui se faufilaient parmi nous sur plusieurs mois, en prenant le pouls et la place tranquillement. J’en ai vu d’autres qui se retrouvaient avec vingt-cinq voisins sur le barbecue pendant leur première semaine chez nous. Difficile de trouver LA façon… mais je peux vous donner des noms de gens qui ont réussi fort bien!!!
Comment vous définiriez-vous par rapport à la ruralité? Défenseur? Porte-parole?
Défenseur? Non. Porte-parole? Non. Témoin, peut-être. Avec la chance que j’ai eue d’y être et d’y rester. De ne jamais partir et, donc, de pouvoir tracer un semblant de ligne. Avec une vue de l’intérieur, loin des concepts et des analyses. Un sentiment, plus qu’un regard, peut-être.
Le centre du monde de Fred Pellerin
Mine de rien, Fred Pellerin colore la scène artistique par sa pittoresque parlure depuis maintenant près d’une décennie. Ce diplômé en littérature a maintenant derrière la cravate six livres, quatre spectacles, un DVD, un scénario de film (Babine) de même que deux « enfargements mélodiques sur la route des mots ». Son premier disque fut récompensé par le Félix de l’album traditionnel de l’année en 2008 tandis que le second, Silence, fut couronné du Félix du meilleur album folk de 2010, avec plus de 100 000 copies vendues en moins de deux mois! L’automne dernier, Fred Pellerin a lancé un troisième CD, C’est un monde, qui ne renferme que des créations originales. En décembre dernier, l’artiste a offert une prestation unique avec l’Orchestre symphonique de Montréal et son chef, Kent Nagano. Les acrobaties verbales de Fred ont aussi résonné avec succès de l’autre côté de l’Atlantique.
Ce conteur « par mégarde » perpétue ainsi la tradition orale héritée de sa grand-mère, de son père et même du voisin, Eugène. Il tricote aujourd’hui ses histoires autour des habitants de son village natal de Saint-Élie-de-Caxton, un petit bourg de la Mauricie, à environ25 kilomètresde Shawinigan. D’ailleurs, « toute ressemblance avec des personnages ayant réellement existé n’est pas fortuite », avertit le conteur! Si ce hameau de 1783 âmes est fier de constituer la source des anecdotes et légendes de son conteur, il se targue aussi d’être le « pays des lutins et des paparmanes » où « les fées s’écrasent dans les pare-brise le soir »!