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Méthodes d’autrefois, notions de sciences du secondaire, réapprentissage… Aujourd’hui, l’élevage bovin régénératif n’est pas issu d’une réinvention ou d’une nouvelle mode, mais bien de l’adoption des pratiques agricoles qui servent les cycles biologiques : eau, lumière et carbone. Comment allier les principes et la science qui soutiennent l’agriculture régénératrice avec la pratique au quotidien? Plongeons dans le monde végétal pour l’élevage bovin.
Un bon équilibre avec de bons animaux, une bonne superficie et beaucoup de pâturages, voilà des éléments de départ pour un élevage bovin. Brian Maloney, 5e génération d’agriculteurs, se définit avant tout comme un producteur de pâturages, mais avec beaucoup de têtes de bétail. Il est un des pionniers du pâturage régénératif au Québec. Sa ferme Brylee en Outaouais possède 360 acres de pâturages permanents, dont le dernier champ a été labouré en 1997 et sur lesquels la dernière application d’engrais remonte à 18 ans. Les photos présentées par M. Maloney, conférencier au dernier Congrès Bœuf du CRAAQ, font foi de sa parole : des herbes verdoyantes et des graminées enracinées à plus de 40 pouces dans le sol, synonymes d’une grande diversité végétale, d’une bonne fertilité et d’un cycle du carbone efficace!
Le cycle du carbone
Retour sur les bancs de l’école secondaire alors qu’on y apprend les notions du cycle du carbone : photosynthèse, consommation, respiration, décomposition… le tout en boucle. Quatre étapes assumées par les pâturages, les animaux et le sol, et qui s’enrichissent mutuellement. Un des objectifs visés en agriculture régénératrice est de créer un puits de carbone dans le sol, constitué de carbone stabilisé communément appelé matière organique. Les sols de la ferme Brylee renferment près 14 % de matière organique, une teneur exceptionnellement élevée. Grâce à la matière organique, le sol agit comme une éponge; l’eau capturée demeure disponible jusqu’au moment où la plante en a besoin en plus d’améliorer la disponibilité de l’azote. Favoriser la stabilisation du carbone rend l’agriculture plus résiliente face aux variations climatiques en plus de séquestrer davantage de carbone, un effet bénéfique, surtout en production animale.
Les racines
La clé? Miser sur les racines des plantes. La science indique que le carbone présent au niveau des racines est 5 fois plus susceptible de se transformer en matière organique que le carbone des parties aériennes des plantes. Jusqu’à 45 % du carbone racinaire peut être séquestré dans le sol. Un peu de maths suffisent pour prioriser! Par ses nuances de vert dans la région des Prairies, la carte thermique du Canada présentée par un deuxième conférencier, Robert Berthiaume, consultant expert en systèmes fourragers, met bien en évidence l’augmentation de la séquestration du carbone dans les sols depuis 2014. Cet effet positif pour l’environnement et les sols agricoles est majoritairement attribué aux changements de pratiques dans l’Ouest canadien : moins de jachères et abandon du travail intensif du sol. Des pratiques qui éliminent les sols nus et qui préservent l’équilibre au niveau des racines.
Au Québec, beaucoup de recherches se consacrent à la compréhension du système racinaire des espèces végétales utilisées dans les pâturages. Par exemple, selon une étude visant à comparer la biomasse racinaire des plantes fourragères et celle des grandes cultures annuelles, la fléole des prés et la luzerne, les plantes phares des plantes fourragères ont produit plus de racines que les cultures commerciales (céréales et maïs). Somme toute, si nous souhaitons avoir de la biomasse racinaire, qui va permettre entre autres de nourrir le microbiote qui est associé aux racines et de stocker le carbone, il faut préconiser ces espèces végétales utilisées en mélanges complexes, selon Robert Berthiaume. Adopter la polyculture en pâturages régénératifs, c’est diminuer les mauvaises herbes et améliorer la résilience de la culture.
Remontons au-dessus du sol : les animaux. Malgré un bon enracinement, les pâturages doivent être bien gérés lors de l’alimentation du troupeau. Règle numéro un : il faut absolument éviter la surpaissance, c’est-à-dire le fait qu’un animal prenne deux bouchées sur une même plante, ce qui l’épuise, depuis les feuilles jusqu’aux racines.
L’approche du système de pâturages régénératifs vise à laisser paître les animaux sur une section de pâturage pendant une courte période, suivie d’une grande période de repos sans aucun broutage. Ce temps de récupération pour les plantes peut durer de 25 à 365 jours! L’important est de laisser suffisamment de feuillage pour permettre aux plantes de croître un certain temps en période estivale.
L’agriculture régénératrice comporte beaucoup de principes, mais il est important de bien les appliquer au quotidien. Un heureux mélange de connaissances d’antan, de science d’aujourd’hui et d’expérience!
Aurélie Munger, M. Sc. Chargée de projets / Centre de référence en agriculture et agroalimentaire du Québec