Ma famille agricole 18 octobre 2020

Un siècle d’entraide familiale

RIVIÈRE-À-PIERRE – Depuis six générations, les jardins, les champs de foin, les troupeaux de vaches laitières et les bâtiments de la famille Delisle façonnent le paysage de Rivière-à-Pierre dans Portneuf. Venu coloniser le territoire, au début des années 1900, Augustin Delisle y a fondé une famille dont l’esprit de solidarité ne cesse de croître 100 ans plus tard.

C’est le labeur d’une femme qui a érigé les premières bases de ce qui allait devenir la Ferme R & R Delisle. Quand Eudore Delisle, fils d’Augustin, est décédé en 1925, son épouse Alma, âgée de 30 ans, a dû assurer la subsistance de ses trois jeunes enfants. Aidée par son beau-père, elle cultivait des légumes sur sa terre qu’elle vendait de porte-à-porte en voiture avec son cheval. Ses quelques vaches lui donnaient du beurre et du lait. « Elle a travaillé très dur. L’année du décès de son mari, la grange-étable a brûlé. Alma l’a reconstruite et une partie existe encore aujourd’hui », relate sa petite-fille, Ghislaine Delisle. 

Valère, fils d’Alma, a aidé sa mère depuis l’âge de cinq ans. En 1948, il a pris la relève avec sa femme Fernande. « Tous les soirs, mon père faisait sa run de lait dans le village pour vendre du lait cru dans des pintes, raconte son fils René Delisle. De son côté, maman lavait les chaudières, les bidons et les pintes. Elle remplissait les contenants et écrémait le reste au centrifuge.  Le surplus de crème non vendu se transformait en beurre dans la baratte. »

René de même que ses deux frères et quatre sœurs devaient prendre part aux travaux : le brassage de la baratte, la traite manuelle des vaches, les foins, le ­jardinage, les semences et les récoltes et les conserves. « Dans ce temps-là, ce n’était pas mécanisé et tout le monde travaillait. On ne s’ennuyait pas », raconte-t-il. 

Alma Delisle avait 30 ans lorsqu’elle a perdu son mari, mais elle a su assurer la subsistance de sa famille en vendant les légumes qu’elle cultivait avec l’aide de son beau-père Augustin (à droite).
Alma Delisle avait 30 ans lorsqu’elle a perdu son mari, mais elle a su assurer la subsistance de sa famille en vendant les légumes qu’elle cultivait avec l’aide de son beau-père Augustin (à droite).

Une mémoire à préserver pour l’avenir

L’électrification du village et la modernisation de la machinerie agricole ont permis à la ferme de s’agrandir et d’améliorer son rendement. René travaillait de près avec son père et lui a ensuite succédé. Valère est décédé, en 2005, à l’âge de 85 ans.

Dans les années 1980, le cadre législatif entourant l’industrie laitière a subi d’importants changements, dont l’obligation d’acheter des quotas et l’interdiction de vendre du lait cru. René et sa famille ont su s’adapter alors que de nombreuses fermes disparaissaient. « On écoutait les conseils des experts et on respectait les compétences des autres membres de la famille, martèlent les Delisle. C’est comme ça qu’on a réussi. »

En 2007, René et son fils Robert se sont formés en société pour créer la Ferme R & R Delisle. Robert et sa conjointe Julie Blais ont déjà mis au monde une sixième génération de Delisle. Peut-être marchera-t-elle dans les traces de ses ancêtres agriculteurs.

La tradition du dimanche midi

Ghislaine et sa sœur Claudette habitent encore à la ferme dans la demeure paternelle avec leur mère, Fernande, aujourd’hui âgée de 91 ans. Cette dernière a, elle aussi, cohabité avec sa belle-mère Alma, qui a vécu jusqu’à l’âge de 91 ans dans cette même maison. Tous les dimanches midi, les membres de la grande famille Delisle dînent ensemble. Cette tradition existe depuis toujours et elle permet de consolider les liens familiaux. « On est fiers du travail accompli par nos ancêtres et on le poursuit courageusement parce qu’on aime ce qu’on fait », insiste Ghislaine Delisle. 

Émilie Vallières, collaboration spéciale

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