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Gérard Laliberté et Rose Lacasse sont bien connus dans le monde de l’agriculture au Québec. Associés avec leurs fils Éric et Marc depuis 1988, ils ont remporté les trois médailles de l’Ordre national du mérite agricole. Sans fausse modestie, ils disent ignorer la raison de ce succès. Chose certaine, ils constituent un maillon fort de la longévité du nom Laliberté en agriculture. C’est avec confiance qu’ils entrevoient l’avenir, enthousiastes à l’idée de voir la 9e génération prendre la relève!
Né à Saint-Charles de Bellechasse en 1775, Pierre Laliberté s’établit sur une ferme dans la future paroisse de Honfleur vers 1830. Les Laliberté y demeurent depuis, solidement ancrés dans le 4e rang. Gérard y est né en 1936 et n’a pour ainsi dire jamais quitté les lieux. À 15 ans, il prend la relève de son père, Maurice. Quand il devient officiellement propriétaire, à 40 ans, il éprouve l’impression d’avoir acheté sa propre ferme.
« C’était déjà une ferme avant-gardiste à l’époque », raconte Gérard, qui a une grande admiration pour son grand-père Alphonse, un « visionnaire » connu comme l’homme qui plantait des arbres. Une balade dans le 4e rang de Honfleur en automne vous laissera bouche bée. Gérard montre fièrement la grange construite en 1924, preuve de l’audace d’Alphonse, « quasiment une église » qu’il a lui-même « rallongée et habillée ». Longtemps, l’endroit a servi de ferme expérimentale au ministère de l’Agriculture pour la formation des agriculteurs de la région. Alphonse et son épouse, Alméda, ont d’ailleurs reçu le titre de Famille terrienne de l’année 1969.
« Je n’ai pas grand mérite, explique Gérard au sujet de son succès. Mon grand-père avait des projets que d’autres n’avaient pas. On est restés avec ça. C’est aussi l’exemple de nos parents, et j’ai aimé une femme qui aimait ça plus que moi. »
« Ici, reprend Rose, on accepte le temps qu’il fait. On n’a pas de contrôle sur ça. De la pluie, il en faut. Gérard a su transmettre sa passion pour l’agriculture par son exemple. Il a su entraîner ses enfants sans jamais commander. »
« Il n’y a pas de meilleur endroit au monde qu’une ferme pour élever des enfants, dit-elle encore. La beauté des lieux a aidé également. On s’est toujours fait un point d’honneur de garder la ferme belle et propre.»
Rose rappelle que, lorsqu’ils ont reçu la médaille d’or de l’Ordre national du mérite agricole, un journaliste avait écrit que « tous les bâtiments de la ferme avaient l’air d’avoir été rénovés la veille ».
« Il reviendrait aujourd’hui que cela serait pareil », précise-t-elle.
Décrit comme un as de la maintenance, Gérard énumère tous les bâtiments qu’il a construits, à commencer par la maison familiale, un incendie ayant rasé la résidence ancestrale. Ainsi, la vacherie, la laiterie et la cabane à sucre portent sa signature, ainsi que trois entrepôts, des silos, des maisons pour les enfants et deux structures d’entreposage de fumiers recouvertes.
« Il n’y a pas d’écoulement ici, certifie Gérard avec assurance. Je suis fier de ce que j’entreprends. J’utilise toujours de bons matériaux et j’entretiens ce que j’ai fait. J’aime beaucoup les belles choses, surtout les belles bâtisses. »
Gérard, qui est âgé de 77 ans, parvient toujours à mettre la main à la pâte, surtout quand il peut s’asseoir derrière le volant d’un tracteur. Pas question de ralentir et de changer une formule gagnante. Le producteur a retenu la leçon de ses ancêtres : savoir susciter l’intérêt des jeunes. L’an dernier, la ferme a procédé à l’achat d’un crible usagé pour traiter les grains de semences.
« On a veillé à ce que ce soit intéressant pour les enfants », illustre Rose à nouveau, admettant qu’elle prend toujours plaisir à se rendre utile. Elle saute joyeusement « dans le pick-up » pour effectuer une commission et attend avec impatience l’arrivée du printemps et l’ouverture de la cabane à sucre, « une résurrection ».
« On a fait une belle vie, témoigne-t-elle. J’ai toujours aimé faire la traite. Ça me poussait à chanter. »
La ferme compte aujourd’hui 500 acres, toutes les générations ayant participé à son agrandissement.
« Faudra peut-être leur prouver que c’est intéressant » – Éric Laliberté
Marc et Éric Laliberté se sont associés à leurs parents en 1988. Père de cinq enfants, Éric est croit qu’il a de bonnes chances de trouver une relève auprès des siens. Son fils et sa fille de 14 et 15 ans montrent déjà de l’intérêt pour l’agriculture. Et, du haut de ses cinq ans, Félix serait déjà un expert du jeu électronique Farming Simulator, où il aurait une centaine d’employés sous ses ordres.
« Fais-moi un lunch, je n’ai pas le temps de déjeuner », a-t-il lancé récemment à son père au beau milieu d’une séance. Grand-maman Rose s’amuse encore à le raconter.
Éric se souvient qu’à sept ou huit ans, il avait déjà les deux pieds dans la ferme. Quand est venu le temps de faire un choix de carrière, il a naturellement opté pour une formation en agriculture, disant qu’il ne se voyait pas faire autre chose. Fort conscient que cette activité entre maintenant en compétition avec plus de 350 métiers, il sait que la partie n’est pas gagnée à l’avance auprès de ses enfants.
« Il nous faudra peut-être leur prouver que c’est intéressant », concède-t-il, reconnaissant le goût de son aîné pour la robotique.
Grand-maman Rose se souvient du sort réservé à l’époque à celui qui semblait avoir le moins d’aptitudes pour les études. « On en faisait un agriculteur », rappelle-t-elle avec amusement.« J’ai aimé ça à l’ITA, ajoute Éric. Probablement qu’il va aimer ça aussi pour finalement s’apercevoir que c’est sur la ferme que nous sommes le mieux. C’est vrai qu’on a une belle entreprise. »
Éric pense que la chance joue également un rôle important dans la transmission d’une ferme d’une génération à l’autre. Il note d’ailleurs que son arrière-grand-père Alphonse était le seul fils de Jean Laliberté. Le choix d’un conjoint, souligne-t-il, est également d’une grande importance dans la réussite en agriculture.
Nicolas, autre fils des Laliberté, s’est également établi sur une ferme, située à trois kilomètres de l’entreprise familiale. Lui et son épouse, Nathalie Gagné, sont tous les deux diplômés en agronomie et ont cinq enfants. Nicolas a d’ailleurs fait l’objet d’un récent reportage dans la série des Patenteux de l’UtiliTerre.