Actualités 25 septembre 2014

Seuls sur la montagne

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Du haut de leur montagne en Gaspésie, les Couture cultivent leurs terres avec vue sur le monde.

L’escalade vers une agriculture plus prospère a toutefois été parsemée d’embûches. Ils ont relevé un à un les défis, grâce au flambeau transmis entre chaque génération, dont la flamme carbure à la persévérance et au souci du travail bien fait.

Les derniers agriculteurs du village
Les Couture se révèlent aujourd’hui les seuls cultivateurs de leur village, comme l’expriment tristement les nombreux champs environnants laissés à l’abandon. Paradoxalement, il y a 75 ans à peine, plusieurs personnes unissaient leurs efforts pour déboiser et coloniser ce secteur de la Baie-des-Chaleurs. George Couture était jeune à l’époque. « Les lots étaient tirés au hasard. Et mon père n’avait pas été le plus chanceux, car sur la terre qu’il a reçue, les arbres présentaient moins de valeur, ce qui diminuait les profits reliés à la coupe. De plus, il y avait présence d’une coulée qui compliquait le travail pour sortir le bois avec les chevaux, sans oublier qu’aucun chemin ne se rendait à notre lot… Quand nous avons déménagé, il a fallu transporter les meubles à pied, à travers la forêt! »

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Cette histoire relatant le début des Couture se révèle passionnante. Ces derniers possédaient quelques animaux et défrichaient chaque année un bout de terre, mais les conditions austères s’avéraient parfois difficiles sur le moral. « Ma mère était une Américaine habituée à un certain niveau de vie. Elle a suivi mon père. Sauf que les premières années sur notre lot, nous les avons vécues sans électricité et sans eau courante, dans un camp. Ç’a été très dur pour elle. Elle disait que vivre dans le bois ce n’était pas une vie; c’était pour les sauvages! », relate M. Couture, aujourd’hui âgé de 84 ans.

« Tu es bien chaud, Georges! »
C’est à même le défrichage que George Couture reçoit un enseignement particulier : celui de l’amour pour l’agriculture, et l’importance du travail bien fait. « Certains voisins maugréaient contre leur métier d’agriculteur; “trop d’ouvrage ou trop de misère”. Mon père, lui, n’a jamais dit un mot. Au contraire, il aimait défricher et travailler la terre. Et lorsqu’il en terminait un morceau, il s’arrangeait pour que tout soit uniforme. De plus, ses labours n’étaient jamais ébouriffés, ils s’alignaient en ligne droite », assure M. Couture.

Ce dernier prend les rênes de l’entreprise familiale dans les années soixante, se spécialisant dans l’élevage de moutons. Pour performer davantage, il suit l’une des rares formations spécifiques à l’ovin et se construit un bâtiment de 30 mètres de longueur, l’une des premières bergeries commerciales du Québec. Mais au même moment, le gouvernement décide de rationaliser l’occupation des territoires de l’Est-du-Québec et, du coup, ferme des villages. L’Ascension-de-Patapédia se trouve sur la liste.

Pendant que plusieurs résidents quittent la localité, M. Couture poursuit l’aménagement de sa bergerie. « Tu es bien chaud, Georges, de te construire! Ils vont fermer le village. Tu vas tout perdre! », lui mentionne un ami. « Avec ceux qui restaient, nous nous sommes serré les coudes. Le village n’a pas été fermé. Le prix des terres est tombé, et j’en ai profité pour en acheter, dont l’une à 20 $ l’acre! », se remémore-t-il.

Les Juifs et les coyotes
Ses revenus agricoles s’avérant insuffisants, Georges Couture se prend un emploi d’appoint comme conducteur d’autobus scolaire. Mais le cachet supplémentaire, il ira le chercher avec ses confrères de l’élevage ovin. « Les Juifs constituaient nos principaux acheteurs. À l’automne, ils arrivaient ici et nous disaient que les agneaux ne valaient plus rien sur les marchés. Certains éleveurs les croyaient et le prix tombait. Une année, on s’était donné le mot entre producteurs : on ne leur vendrait plus au rabais. Cette stratégie a porté ses fruits et ils ont fini par nous donner trois fois plus », affirme-t-il fièrement. Il a amélioré la génétique de son troupeau et augmenté le nombre de têtes.

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Mais une autre épreuve l’attendait : les coyotes. « Nous sommes devenus encerclés par ces carnivores. Ils se faufilaient sous les clôtures et égorgeaient des animaux chaque semaine. J’étais sur le gros nerf. J’ai acheté des chiens, mais les coyotes étaient plus rusés. J’ai même dormi dans le pacage. Rien à faire. La solution s’est trouvée à garder les animaux à l’intérieur », explique-t-il.

S’arracher la vie
La ferme de Georges Couture appartient aujourd’hui à ses enfants. Il s’y rend fréquemment, contemplant le travail accompli. « Je peux dire qu’on s’est arraché la vie à défricher cette terre. Nous avons vécu des épreuves, mais j’ai toujours gardé cette phrase en tête : “Si tu n’avances pas, tu recules”. À mon âge, je ne peux plus trop aider sur la ferme, mais quand j’y vais, je suis fier de ce que j’ai fait, et de voir ça continuer », conclut-il.

La relève fait doubler l’entreprise
Jean-Luc et Marc Couture n’ont pas chômé lorsqu’ils ont pris la relève de leur père Georges. En quelques années, l’entreprise est passée de 400 à 800 brebis. Malheur : la tremblante du mouton frappe. Plus de 200 têtes sont abattues. Les jeunes Couture font face à l’adversité et érigent même une nouvelle maternité de 61 mètres de longueur. Le troupeau grimpe à 1 000 femelles, et BANG! Deuxième cas de tremblante. On élimine toutes les bêtes. Pour eux, c’est le véritable bogue de l’an 2000. Père et fils pleurent l’euthanasie de leurs 1 000 animaux et plusieurs années d’amélioration génétique. « Nous nous sommes ensuite posé de sérieuses questions. Est-ce que nous lâchons? confie Marc. Étant donné que nous disposions de deux bâtiments pratiquement neufs et que nous aimions le métier, nous sommes repartis. Mais très stressés. »moutons (1)

De l’agneau aux… algues!
La Bergerie Patapédia a repris son rythme de 1 000 brebis, et se démarque même par un produit particulier; de l’agneau nourri aux algues de la Gaspésie. « Nous recevons l’algue sous forme de poudre et les animaux aiment ça! La viande possède un goût particulier et se révèle plus tendre. Ce marché nous procure une valeur ajoutée », expose Jean-Luc Couture.

Le « braker » de la lune
La quatrième génération promet de prendre la relève. D’une part pour la qualité de vie, mais aussi en ce qui concerne les opportunités de croissance. « Sur les plateaux, il y a actuellement 800 hectares qui ne sont pas cultivés et qui pourraient l’être. C’est très positif pour nous, et ça veut dire que nous pourrons prendre de l’expansion, notamment dans la culture des céréales », analyse le jeune Jean-Sébastien. De surcroît, le village de l’Ascension-de-Patapédia offre un milieu au paysage unique. « Ça ne s’appelle pas l’Ascension pour rien; nous demeurons sur le toit des montagnes. Comme on dit ici, nous sommes assez proches pour fermer le “braker” de la lune! »